On dit de William qu’il est l’écrivain des ténèbres comme le confirme, d’année en année, chacun de ses romans. Il les écrit dans le bunker qu’il a restauré et aménagé à Saint-Idesbald face à la mer du Nord. Chaque jour, à marée basse, il effectue de longues marches à la lisière des vagues. Il aime à arpenter les vastes étendues de sable au-delà de la frontière séparant la Belgique de la France. Il se laisse aller au plus loin que sa rêverie le porte. Lorsqu’il se promène ainsi il songe à son métier, à tous ces « articles », en réalité des nouvelles puisqu’il s’agit de fiction, qu’il s’acharne à écrire, persuadé qu’en racontant le quotidien, il sensibilisera dans la France d’en haut celles et ceux qui décident du destin de chacun. Il se persuade qu’il parviendra à arracher aux encriers les mots, les phrases, les constructions de l’imaginaire qui dévoilent les zones d’ombre et éclairent, comme des torchères tremblantes, les cavernes de la conscience. Plonger la plume d’or et d’acier du stylo dans le sang, dans les viscères tourmentés, y fouailler dans chaque méandre obscur et visqueux, en arracher plaintes, cris, pleurs qui s’y dissimulaient ; sur les parois du crâne, là où cela cogne, là au bord de l’éclatement, des terres tremblent, des continents entiers sont prêts à se détacher de leur socle terrestre et de précipiter des falaises de glaces, de terre, de craie dans la nuit des abysses océanes. C’est cela que raconte William et qui le hante et que la mer ne console ni efface. Lire la suite