Le tennis n’est pas un sport pour les gens qui ne sont rien. La pelote l’est, elle, sans doute, le curling aussi peut-être, ou la pétanque vraisemblablement, mais pas le tennis, non. Certainement pas. Bien au contraire même. Tout, absolument tout, dans cette fabuleuse activité physique, ou plutôt (il ne faut pas avoir peur des mots) dans cette discipline artistique, tout donc demande à celui qui la pratique une exigence de tous les instants.

L’exigence, c’est la clé.

Le tennis veut dire rigueur, veut dire souplesse, veut dire stratégie, veut dire analyse, veut dire courage et volonté, veut dire persévérance, dépassement de soi et densité, bref en un mot, en un vocable, en une formule (et c’est important les formules), jouer au tennis, jouer vraiment au tennis du moins, ça veut dire « avoir l’élan de la gagne ». Lire la suite


Ainsi, ce sont bien nos ancêtres qui sont à l’origine de nos mauvaises passions ! Le diable sous l’apparence du babouin, est notre grand-père.

Charles Darwin

M. pivota sur lui-même. Il tournait maintenant le dos à la fenêtre. On ne distinguait plus de lui que sa silhouette massive et obstinée qui baignait dans un éclaboussement lumineux. La pièce était assez sombre. On ne pouvait pas clairement distinguer les traits furieux de son visage. On pouvait en revanche sentir, par-delà la peau, la colère qui lui circulait dans les veines comme une onde radioactive. Lire la suite


Les haut-parleurs diffusent des informations en continu dans tout le pays. Dans toutes les villes du moins, grandes ou petites. Sur des écrans géants, des visages défilent les uns après les autres assez rapidement : les noms et qualités des membres sortants du Conseil. Les bouches figées, arborent toutes plus ou moins le même sourire un peu emmerdé, un peu crispé, un peu à côté de la plaque. Les regards sont légèrement inquiets.

Qu’est-ce qui va bien pouvoir se passer maintenant ?

Figurent aussi en dessous les éléments se rapportant aux actions qu’ils ont menées au sein de l’Assemblée durant les trois années de leur mandat. Ça passe trop vite pour qu’on puisse vraiment lire, mais tout cela est après tout disponible sur le portail du Parlement. Certains ont beaucoup travaillé. D’autres n’ont pratiquement rien fait, à part voter. Mais c’est le jeu, c’est comme ça que ça marche. Lire la suite


Retour de Braunschweig.

Bruxelles, 22 heures, janvier 2014, gare du Midi.

Il fait froid, je me les gèle, je n’aime pas me les geler ; personne n’aime ça. L’air que j’avale me glace les poumons. Je râle depuis que je suis sorti du train, la tête bourdonnante et la gorge en feu, un poids sur la poitrine. Je suis un grand râleur. C’est une de mes spécialités. Je vais jusqu’à râler d’être un râleur aussi obstiné. Chaque respiration est un effort. Chaque pas en avant me pompe une énergie de dingue. Lire la suite


Quand je suis parti, ma femme tirait la gueule, ma fille pleurait, elle refusait d’aller dormir. Le chat venait tout juste de vomir à côté de sa gamelle. Le lave-vaisselle était en panne. Une pluie battante menaçait de faire s’effondrer une fois de plus la gouttière de la cour. Ma réparation de fortune n’avait eu, évidemment, aucun effet. Je me demandais si vraiment tout cela ne s’apparentait pas à un gigantesque malentendu. Étais-je bien la bonne personne au bon endroit ? Ne pas se laisser submerger. Toujours pareil. Acter que. Mais bon. Impossible de faire mieux. Comme souvent. Je prévois quelque chose et ça merde.

Réfléchir, agir. Ou pas.

S’immobiliser. Y aller.

Option 1 : angoisser et culpabiliser.

Option 2 : faire marche arrière.

Option 3 : m’en foutre, continuer.

Je me suis donc rendu à cette réunion. Lire la suite


C’est au xve siècle, au cours d’une mission secrète commanditée par la couronne portugaise, que le Brésil fut découvert par Duarte Pacheco Pereira — l’Achille lusitanien (dixit Camoes).

*

Aéroport Val-de-Cans de Belém, quatre heures du matin.

La piste d’atterrissage se dessine au sol : trois bandes discontinues rouge et jaune, précédées d’une ligne verte. L’obscurité n’est que relative en bas. Brimée par une armée de néons en tous genres, elle ne peut que capituler, renoncer à ses mystères et faire figure de clown, tout juste bonne à servir dans les films d’épouvante. Le pilote se cale bien dans son fauteuil, il continue son approche, ses manœuvres, donne ses instructions, informe son collègue, blague avec l’hôtesse. Lire la suite


Le jour décline, la température tombe, le vent se lève, léger et doux. La ville s’abreuve aux derniers rayons du soleil, expose tant bien que mal aux passants pressés et indifférents les quelques éclats qui lui restent encore.

Depuis sa fenêtre, Henri observe le ballet des corps.

Les gens ont l’air déprimés. Il semble bien que ça ne soit pas la joie dans les méninges, que les remous politiques actuels jouent sur l’humeur des uns des autres, créent une ambiance particulièrement délétère, favorisant l’installation d’une neurasthénie généralisée.

Mais pour Henri, ça n’a plus aucune importance.

Plus aucune. Lire la suite


Ça doit faire une dizaine de jours.

Ça sent le soufre.

C’est le bordel.

Dans les couloirs du Berlaymont, tout le monde tire une gueule jusque par terre. Même la petite Anna, d’ordinaire si guillerette, a la voix cassée, le visage déconfit, et le regard fuyant. Moi, je ne peux pas m’empêcher de donner des signes d’impatience et d’exaltation. Ils sentent qu’un truc pas net est en train de se mettre en place dans leur dos. Tout le monde me dévisage, me déconsidère, me hait déjà. Lire la suite


Syd bouge.

Sa tête penche mollement sur son cou, un filet de bave coule, relie sa lèvre inférieure à son t-shirt, forme une tache gluante ; il essaie d’ouvrir les yeux – il y a de la frayeur, une touche d’incompréhension et un vague soupçon – il est encore un peu dans les vapes (on y a peut-être été un peu fort avec le Lexomil) mais il commence à émerger il gémit tente de dire quelque chose je lui noue un foulard autour de la tête le coince entre ses dents serre serre serre. Il résiste.

Ça le réveille.

Il proteste dit quelque chose mais ne peut articuler – c’est juste ridicule. Lire la suite