°République maçonnique de Courlande°
Ministère des Affaires étrangères et littéraires
Perspective Lev Tolstoï 3
70 000 Baltigrad
Baltigrad, le 21 juillet 2012
Très chère °Constance°,
Ce que j’ai à vous apprendre est difficile à communiquer – comme toutes choses en somme, car connaissez-vous deux êtres qui, voulant se dire telle ou telle chose, se les disent réellement ? Tout n’est-il pas toujours ineffable ? N’est-on pas toujours forcément en décalage par rapport à son interlocuteur, ne serait-ce que du fait même qu’on ne lui a pas encore dit ce qu’on avait à lui dire ? Sera-t-il le même, cet interlocuteur, lorsqu’il nous aura entendus ? Et nous, n’aurons-nous pas changé du fait même d’avoir dit ce que nous avions à dire – et d’avoir été entendu ? ! Je suis pour ma part effaré lorsque deux êtres se parlent et s’entendent – et, en fait, cela arrive le plus souvent non pas à demi-mot, mais à plein œil, comme on dirait à pleine bouche : de cil à cil, de pupille à pupille, d’iris à iris, quelque chose passe, et ce quelque chose est TOUT. Ne me demandez pas de préciser, chère °Constance°, je sais que vous pensez comme moi au sentiment amoureux, mais il en est d’autres ! Tenez, il ne se passe pas autre chose lorsque deux êtres séparés par les liens sociaux ou familiaux se reconnaissent. Mais oui, j’ai vécu cela, même si je ne l’ai jamais confié à personne, et certainement pas au premier intéressé : alors que je côtoyais amicalement un homme de quinze à vingt ans mon aîné, que nous parlions politique – oui, encore (je vous entends soupirer) – et de l’avenir de ce pays (j’y reviendrai), à partir d’un certain moment, nous avons eu ce que j’appellerai des regards, faute de pouvoir appeler cela autrement : nous nous reconnaissions une parenté spirituelle ou affective, et tout était dit. Oui, vous avez raison : rien n’était dit, et c’est justement là mon propos ! Comment, dans ces conditions, espérer se faire entendre quand on se parle ou s’écrit ? ! Et pourtant, très chère °Constance°, vous savez tout aussi bien que moi que, malgré toute ma sincérité dans le moment présent, je ne crois, simultanément, pas un mot de ce que j’avance : sinon, à quoi bon ce dialogue épistolaire ?! Lire la suite →