Cela devait arriver. Tôt ou tard. Le livre devint suspect. Dans son opiniâtre détermination à trouver le coupable de l’épidémie dite du Coronavirus, la communauté scientifique avait désigné successivement le pangolin, les pittoresques coutumes alimentaires des Chinois, les mystérieux laboratoires de la même nationalité, les Chinois dans leur ensemble et leurs restaurants en particulier, des docteurs Folamour à l’éprouvette faustienne, des souches malintentionnées jouant les filles de l’air, les bistrots, l’air conditionné un peu trop laxiste à l’égard des pestes agressives, les boîtes aussi bien de nuit que d’emballage, les poignées de portes, le bisou, les postillons en transports en commun, les mains sales et pas seulement sartriennes, les crottes de nez abandonnées au hasard des escalators, le grand âge décidément emmerdeur, les facteurs et les lettres passées par toutes les mains, la monnaie papier, les pièces d’un cent, les opéras en mal de désinfection, les samedis et dimanches périlleux pour le petit commerce, les grands-messes en l’honneur de Jésus, Mahomet, Jéhovah et Greta, l’inconséquence du petit peuple, les salles de classe manquant de techniciennes de surface, les bananes importées, les touristes et l’artisanat exotique, les pianoteurs du smartphone, les bavards coincés du Wi-Fi, les enragés du distributeur de billets, les auteurs de dédicaces en page de garde, les robinets publics et privés, automobiles, trottinettes et vélos partagés, les gestes machinaux de la vie quotidienne – en somme, tout ce qui donnait l’illusion d’avancées majeures dans le mode de vie bâti par l’homo sapiens depuis qu’il avait quitté les cavernes et troqué chasse et cueillette pour la bombe atomique et les hypermarchés. Lire la suite →