Pur produit de l’industrialisation, La Louvière n’était, jusqu’en 1869, qu’un hameau de Saint-Vaast. Les charbonnages et la métallurgie ont eu raison des forêts peuplées de loups dont les autochtones aimeraient en tirer des légendes à l’image de Romulus et Remus. La première zone de prospérité houillère fut acquise dans les pâtures voisines par la société anonyme Sars-Longchamp. On y exploita le charbon. Une ligne centrale de chemin de fer y fut édifiée, une verrerie s’y installa. Un coron naquit, bien vite blotti entre trois terrils, et fut baptisé Mitant-des-Camps. Lire la suite


En 1947, mon oncle, seul survivant de toute ma famille, et trop pauvre pour me garder, me place dans un home d’orphelins de guerre.

Ce fut à Profondsart. Ma nouvelle demeure était juchée fièrement au haut d’un mamelon du Brabant vallonné, avec sa tour surmontée d’une flèche. « Ta grand-mère, Gendel Léa, me dit l’oncle, s’appelait Schlossberg. » Ce nom signifiait la « montagne du château ». Lire la suite


Va-t-on bientôt bombarder les anges ?…

Préparons-nous à entendre l’espace crier.

Henri Michaux

« C’est écrit dans le ciel », lâche en mâchant sa gosette un Wallon au nez à piquer des gaufrettes, qui lorgne les deux petits avions de tourisme qui, selon un plan précis de vol, ont quatre fois pris l’air à tour de rôle depuis midi et tournoient comme des papillons autour de la lampe à un peu plus de six cents mètres d’altitude à partir d’un cercle de neuf kilomètres de rayon qui désigne la zone de circulation autorisée. Lire la suite


L’oncle Maurice ne se rasait pas tous les jours. Lorsque je l’embrassais, je sentais sa peau rêche. Il portait souvent une casquette et fumait avec un porte-cigarettes.

Tante Bertha était toujours en tablier. Elle était si mince qu’elle ne semblait pas être une femme. Son manque absolu de coquetterie devait aussi y être pour beaucoup. Lire la suite



Au premier coup de sifflet, ils avaient formé les faisceaux. Le deuxième n’avait pas encore déchiré l’air épais qu’ils se laissaient tous tomber sur les pavés brûlants, dans un fracas amorti de fers de pelles et de gourdes vides. Certains s’étaient endormis aussitôt, avant même d’avoir débouclé leur sac et leur ceinturon. Les autres observaient un silence de bêtes recrues, indifférentes au monde qui les entourait. Sur la place légèrement déclive, piquetée de reflets cuivrés, le bataillon étalait jusqu’au pied des maisons sa large tache kaki. Lire la suite


Ouiquenne

Ouiquenne ! Ouiquenne, comme l’écrivait Queneau,

le ouiquenne, aussi loin qu’il m’en souvienne,

c’était quand il faisait beau

et qu’on allait jouer le long des berges

de la puante Orneau, et les nonquennes,

c’était quand il pleuvait à seaux,

des pluies diluviennes qui nous faisaient dire amen

à nos baleines et autres projos de bateaux ! Lire la suite


J’ai arraché mes racines de l’argile et de la pierre bleue d’Écaussinnes, des prairies grasses et des granits.

Je les ai déterrées en poussant des « ahan » sous l’effort, qui résonnaient sur les parois de mon cœur comme le vacarme incessant des carrières de Belle-Tête ou de Scoufleny. À coups d’explosifs, les carriers détachaient des parois creusées dans le sol d’immenses obélisques de pierre bleue. Ces masses minérales allaient, ensuite, être débitées, tranchées, sciées, calibrées en autant de dalles ou de blocs que l’exigeaient les commandes opulentes issues des grands chantiers de l’après-guerre. Les trottoirs des villes, les parois grandiloquentes des basiliques de « seconde catégorie », les promenades de Knokke-le-Zoute, les brise-lames de Koksijde-Bad s’habillaient alors des armures grises en pierre de Écaussinnes. Les rails du Royaume vibraient la nuit sous les lourds convois de granit qui sillonnaient la toile d’araignée Belgique à partir de ce grand nombril creusé au cœur du Hainaut. Lire la suite