À Daniele Del Giudice et à S. et R.
Contre la promesse de quelques heures d’un sommeil profond, il avait accepté un emploi de chasseur d’images heureuses. Au milieu de la nuit, avant que le merle moqueur ne commence à siffler, il prenait un filet à papillons, et se mettait en route, à demi somnolent. Les images heureuses le narguaient de loin, puis de plus en plus près. Avec de grands mouvements des bras, il finissait bien par en capturer deux, parfois trois. Mais la tâche était plus risquée que ce qu’il avait imaginé. Furieuses d’être empêtrées dans le filet, les images heureuses sortaient leurs angles droits du papier-carton. Elles s’élançaient contre lui d’un coup de ligne tranchante comme un sabre. Même les plus anciennes à bords dentelés le mordaient. Tant et si bien qu’il se retrouvait en nage, suffoquant, battant des bras dans tous les sens, le ventre ouvert par de grandes entailles. Épuisé, son butin accroché à la peau, il échangeait deux images heureuses pour une heure de mauvais sommeil. Lire la suite
