Jeudi 4 mai – Depuis tant de semaines que la campagne présidentielle bat son plein, tous les organes de presse publient des tribunes libres avec plus ou moins d’intérêt. Celle que fait paraître Sigmar Gabriel dans Le Monde est à conserver pour mémoire. Le ministre social-démocrate allemand chargé des Affaires étrangères donne un éclairage inhabituel qui pourrait bien conduire le couple franco-allemand à une nouvelle conception de partenariat.

« Macron est un patriote éclairé dont les idées sont à même de faire progresser le pays vers une force nouvelle. Il représente la reconstitution de la France en tant que phare capable de nous guider en ces temps tourmentés et parfois confus. […] Emmanuel Macron a raison : l’Allemagne doit en finir avec l’orthodoxie financière qui, en ces temps de taux d’intérêt négatifs, contribue plutôt à favoriser le retard des investissements qu’à moderniser notre pays. Une telle politique est néfaste non seulement pour l’Europe, mais aussi pour les Allemands qui devront payer cher lorsque les taux d’intérêt augmenteront à nouveau et que le retard des investissements se sera davantage creusé. » Lire la suite


Chez moi, tout est détraqué. Plus personne ne vient ici me rendre visite. Il y a tellement de marches, dehors, dedans, tellement de marches ! Oui, tout est détraqué. Surtout mes genoux.

— Tenez, Madame Prunier, prenez le chat sur vos genoux, ils ont dit. Ça va leur tenir chaud. Ça va les guérir.

— Mais ce ne sont pas des genoux, ce sont des cuisses !

Là où ce sale chat roux ronronne depuis une demi-heure, ce sont des cuisses. Ils sont fortiches, ces infirmiers ! Ils sont calés en anatomie ! Et ça a des diplômes ? Je voudrais les voir, les diplômes ! Pas étonnant qu’on ne guérisse pas dans ce home, et qu’on reste vieux et détraqué s’ils prennent les cuisses pour des genoux. Lire la suite


Le tennis n’est pas un sport pour les gens qui ne sont rien. La pelote l’est, elle, sans doute, le curling aussi peut-être, ou la pétanque vraisemblablement, mais pas le tennis, non. Certainement pas. Bien au contraire même. Tout, absolument tout, dans cette fabuleuse activité physique, ou plutôt (il ne faut pas avoir peur des mots) dans cette discipline artistique, tout donc demande à celui qui la pratique une exigence de tous les instants.

L’exigence, c’est la clé.

Le tennis veut dire rigueur, veut dire souplesse, veut dire stratégie, veut dire analyse, veut dire courage et volonté, veut dire persévérance, dépassement de soi et densité, bref en un mot, en un vocable, en une formule (et c’est important les formules), jouer au tennis, jouer vraiment au tennis du moins, ça veut dire « avoir l’élan de la gagne ». Lire la suite


Elle m’emmerde ! Toujours à geindre, se plaindre qu’il fait trop chaud dans la cuve, que le son est mal réglé, qu’elle a des chatouillis dans les jambes, des crampes au gros orteil. C’est vrai, le technicien n’a pas bien réglé le vocodeur universel, la voix de mémé a des hoquets de souris et il y a quelque chose de moisi qui flotte autour. Faudra que je signale ça au responsable du bunker. Et virer le mec ! Ouais. Le virer ! Tous les virer ! Tous les balancer à la Seine. Je noterai ça plus tard dans mon calepin Idées pour demain. C’est comme ça que je les ai eus, les cons, j’avais toujours une longueur d’avance.

« Chérie, tu m’excuses un instant. Mon portable intégré bipe. Les affaires. Merci. » Lire la suite


César était content.

La République, une et indivisible, était sauvée. L’Empire était à portée de main, les factions adverses avaient rendu les armes et certaines même s’étaient jetées du haut des remparts dans le fleuve. Elles avaient presque disparu. Elles se noyaient dans un silence glacé.

D’autres enragés rejoignaient les forces de César ou le Rang des Amers. On les nommait ainsi tellement leur rage, leurs invectives, leur misère morale, la pauvreté de leurs assauts et la vilenie de leur morale étaient difficiles à supporter. Mais c’était un peu de chacun de nous qui était là et nous en avions honte, des cousins, des frères, des mères, des enfants les avaient rejoints par défi et désespoir.

César était content. Lire la suite


Le détecteur ne m’a pas trompé. Le buste incliné vers l’extérieur, je distingue, entre les jalousies, l’essaim qui tourbillonne par-dessus ma longère normande. Après les drones…

« C’est fini, me dis-je à voix haute, j’aurai tenu dix ans. »

Dix ans. Une vie ! Car oui, tel un chat, dont j’avais le ronronnement et le coup de griffe, j’aurai eu plusieurs vies. Combien ? N’avais-je pas droit à sept vies ?

Je parle au passé. Oubliant mes devises et mon volontarisme. Ne sois pas, deviens. Sois toujours demain plus que ce que tu es aujourd’hui, qui est plus que ce que tu étais hier. Lire la suite


Pour Bernadette Halleux

(Fragments des Annales XXI / 2017 / 5e consignés de sa plus belle plume par Lodovico Buonarroti Simoni)

 

Nous les avions prévenus : les hommes devraient cesser de croire aux dieux et aux fées, de prendre les vessies pour des lanternes et de confondre le micro avec le macro, même s’il s’inscrit dans un plan de com. Un plan de communication n’a jamais remplacé un plan d’action, encore moins une politique. Lire la suite


Il avait dix ans quand une once de chance et quelques années passées à s’observer d’un peu trop près l’avaient amené à faire cet étonnant et prodigieux constat sur lui-même : il avait, à la manière des superhéros, un talent bien à lui. Un truc bizarre, entre le réel et l’irréel. Un don, une capacité, un pouvoir… magique ou mondain. Qui l’emmènerait loin sur le chemin du succès.

À quatorze ans, alors qu’il entrait flottant dans l’adolescence, il savait déjà. Son sourire d’enfant sage. Son visage poupin. L’innocence même, oui. Sans doute aucun. Mesurait sa capacité à plaire, la jaugeait, l’évaluait, forçait ses contours, éprouvait sa résistance, ses limites, ses potentialités. Et comme il était d’un naturel rêveur, il se prenait à concevoir tout ce que son merveilleux pouvoir pourrait lui apporter. Plus tard, quand il serait grand. Ou juste plus tard. Lire la suite


Tout a commencé le jour où, pour la première fois, j’ai entendu à la radio le nom d’Emmanuel Macron.

J’ai sursauté. J’ai d’abord cru qu’il était question de moi, puisque je m’appelle Manuel Macron, avant de me dire que c’était impossible.

Pourquoi parlerait-on de moi à la radio ? Qu’est-ce que je suis ? Je ne suis rien – rien qu’un brave pharmacien de quartier, au nord de Lille, rien qu’un bon mari et qu’un bon père de famille, rien qu’un bon fils soucieux de la santé de sa mère, rien qu’un amateur de tir aux clays ne se débrouillant pas trop mal, mais sans pour autant être capable de briller dans les divers tournois organisés par les clubs du département.

J’ai tendu l’oreille. La journaliste présentait Emmanuel Macron comme un des plus jeunes et des plus brillants conseillers de François Hollande, très calé en économie et ayant quelques excellentes idées pour assainir les finances de l’État. Lire la suite


…erde, j’ai oublié de liker le selfie du jour ! Je suis partie comme une balle après le texto surprenant d’Hélène. J’essaie de respirer profondément pour ralentir les battements désordonnés de mon cœur et moduler la conduite stressée de mon véhicule. Il ne fallait surtout pas se faire arrêter, niveau 13 de Vigipicrate oblige… Pas le temps de faire demi-tour. J’espère être la seule distraite ce matin-là, sinon tout le district allait subir la sanction. Il ne s’est toujours pas remis de celle de 2028, quand l’Ostracisme a été décrété durant 40 jours parce que les 98 % de clics obligatoires n’avaient pas été atteints à 8 heures tapantes. Les émeutes qui ont suivi, ont précipité des milliers de citoyens dans la banqueroute sociale. Oui, nous sommes tous des heureux autoentrepreneurs interconnectés. La deuxième sanction, inconnue et angoissante, serait sans aucun doute encore plus dévastatrice. Je ne voulais pas être la cause de ce second désastre. Il y a cinq ans, mon voisin a mis un terme à sa culpabilité à 0,3 %, en se jetant de la falaise. Point final. La leçon sur la responsabilité appliquée à la lettre. Lire la suite