Elle avait sans cesse reculé le moment de se l’avouer, mais, là, son parti était pris. Comme elles étaient loin, ces paroles de son ancêtre : Étranger, ma valeur, ma beauté, mes grands airs, les dieux m’ont tout ravi lorsque, vers Ilion, les Achéens partirent, emportant avec eux Ulysse, mon époux. Ah ! S’il me revenait pour veiller sur ma vie, que mon renom serait et plus grand et plus beau ! Les temps avaient trop changé : et elle haussait maintenant les épaules, quand on évoquait devant elle le stratagème de cette princesse de l’époque pour repousser ceux qui se disputaient sa main pour régner sur Ithaque : Mes jeunes prétendants, je sais bien qu’il n’est plus, cet Ulysse divin ! Mais malgré vos désirs de hâter cet hymen, permettez que j’achève ! Tout ce fil resterait inutile et perdu. Sur cette immense toile, je tissais tout le jour ; mais la nuit, aux torches, je venais la défaire.
Pour la Pénélope qui nous occupe, tout le fil resterait à jamais défait : et en repensant à son mari, elle concluait qu’elle avait eu raison d’abandonner son ouvrage. Ces jours-ci, il l’avait avisée de son retour ; et elle ne l’avait pas averti de son départ. Lire la suite →