Deux personnages sont assis sur un banc, dans un square.

L’un : Que pensez-vous de la catastrophe humanitaire en Asie ?

L’autre : Qu’elle n’est pas humanitaire, mais humaine… Excusez-moi de faire cette précision : c’est une faute à laquelle les médias nous ont hélas habitués.

L’un : C’est l’aide qui est humanitaire, évidemment. Toujours est-il qu’une semaine après, on est encore loin de connaître le nombre des victimes, même approximatif, étant donné l’étendue du phénomène. On parle déjà d’une des catastrophes majeures de l’Histoire… Lire la suite


Voici vingt ans, il s’était envolé pour l’Indonésie avec un petit groupe de touristes. Il avait toujours rêvé de découvrir ces îles lointaines qui, durant son enfance et son adolescence, le fascinaient. Un voyage en Boeing 747 au départ de Paris. Des escales en Arabie, à Abu Dhabi, puis à Singapour et, enfin, l’arrivée à Jakarta. Que de souvenirs ! Et voici qu’en cette fin 2004, un tsunami venait de labourer toute la région, balayant des plages, des espaces, des pays qu’il avait découverts, ne serait-ce que par le hublot de l’avion. À cette nouvelle, il avait éprouvé un grand choc car, en fait, c’était un peu de son passé que le raz-de-marée avait, en quelques instants, complètement saccagé.

Certes, il n’avait vu ni la Thaïlande, ni le Sri Lanka, pas plus que la Malaisie ni le Bangladesh : mais ces sonorités d’Extrême-Orient éveillaient en lui, en écho, d’autres îles de là-bas qu’il avait abordées : Bali et Sulawesi, par exemple.

Les victimes que la télévision et les journaux révélaient au monde ressemblaient, à n’en pas douter, aux gens qu’il avait côtoyés avec un émerveillement chaque jour renouvelé. Lire la suite


Tous les matins, depuis des années, je rencontrais Charlie au coin du boulevard, devant la bijouterie. Tous les matins, il était là, assis sur son carton, son caniche noir entre les jambes, contrôlant les piécettes que les passants voulaient bien déposer dans son gobelet de Coke usagé. Tous les matins, en allant prendre mon train, je lui donnais dix cents.

Hier, 3 janvier, personne. Lire la suite


L’homme n’eut que le temps de jeter un dernier regard sur la place, avant d’être submergé. Dans une sorte de rêve, il revit devant lui la façade de l’Hôtel Métropole, et nota que les tables où il s’était si fréquemment assis et où, un instant auparavant, il comptait encore honorer le rendez-vous fixé flottaient désormais et commençaient à dériver vers les boulevards. Il entendait avec une grande précision, bien qu’ils fussent un peu étouffés dans le grondement général, les coups de la pluie diluvienne qui s’abattaient, comme pour le transpercer, sur l’élégant mobilier de la terrasse noyée. Il parvint à surnager quelques minutes, le temps de s’aviser que personne ne se présentait pour le secourir et pour le tirer jusqu’à une rive de toute façon inexistante. Autour de lui, des passants surpris par la rapidité de la montée des eaux avaient déjà coulé ; d’autres tentaient de gagner les rues voisines, espérant sans doute que des témoins agglutinés aux fenêtres des bâtiments les repêcheraient, mais leur progression était entravée par les innombrables objets, emportés par le courant, qui venaient vers eux et les heurtaient avec violence. L’homme respirait avec difficulté : il sentait que ses minutes étaient maintenant comptées. Soudain, une grande caisse le cogna. Il put la saisir et s’y agripper. Le carton gorgé d’eau ne tarda toutefois pas à éclater et à s’ouvrir. L’homme, dans une ultime vision, perçut que la boîte contenait des exemplaires du Da Vinci Code, ce livre qui, depuis des années, trônait au sommet des classements des meilleures ventes, en dépit des nombreuses dénonciations de ses inexactitudes (une preuve de plus que l’approximation paie davantage…) Cette découverte, que son esprit brouillé assimila, vu le contexte dans lequel elle survenait, à quelque chose de proprement macabre, ne manqua pas de l’achever ; et il ne résista plus quand il se sentit plonger définitivement. Lire la suite


Le déluge.

Devant nous, le déluge.

Devant : en face de ? en présence de ?

Le déluge : aujourd’hui ?

Le déluge : hier et demain ?

Oui, et davantage encore, dans le vaste espace de ce « devant ».

Et si « devant utilisé pour avant est un archaïsme » (Hanse), l’expression « devant nous », le déluge ne l’est jamais, un archaïsme, tant il (le déluge) ne cesse de se présenter, de s’imposer à nous et en nous. Avec un effroi toujours recommencé, toujours nouveau, souvent inattendu. Lire la suite


—Original Message —

From : nioman.pandhawa@brutele.be

Sent : Thursday, September 18, 2030 4 :24 PM

To : mangkunegara.sindusawarno@indonesianet.indo

Cc :

Subject : Message pour Grand-Père

Importance : High

 

Bruxelles, le 18 septembre 2030

À l’attention de M. Sindusawarno

Butigndi, Indonésie

Selamat Pagi ! Bonjour, cher ami et voisin de mon Grand-Père. Puis-je à nouveau solliciter ta grande gentillesse et te prier de lui rendre visite pour lui donner lecture de cette lettre que je lui adresse. Sachant que ta réponse sera positive, je t’adresse déjà mon plus chaleureux salut depuis la Belgique où je suis à présent installée, comme tu le sais. Lire la suite