Ô toi, Seigneur de Babylone, qui règnes, à l’égal des dieux, sur le pays d’entre les deux fleuves pour le plus grand profit de son peuple, reçois ce poème, modeste contribution du scribe Kalakh, ton fidèle serviteur.
Jamais je n’oublierai ces jours funestes : J’en ferai toujours mémoire !… c’est par ces mots que mon ancêtre Uta-napishti avait, dit-on, l’habitude de clôturer le récit de la terrifiante aventure dont il fut, à la fois, le témoin et facteur. De génération en génération, mes aïeux en ont perpétué le souvenir par la parole, soucieux d’empêcher, à jamais, l’oubli de la recouvrir. Aujourd’hui, je suis heureux de pouvoir m’inscrire dans cette filiation de la mémoire en lui offrant un nouveau gage de continuité, puisque, initié par les prêtres du dieu Nabû à l’art de l’écriture, je suis en mesure de graver ce témoignage dans l’argile. Le poème que j’ai l’honneur de déposer à tes pieds n’a d’autre ambition que de restituer les événements tels qu’ils furent vécus et racontés, pour la première fois, par les survivants du drame. Un drame effroyable qui reçut le nom de Déluge. Jamais, auparavant, pareille catastrophe ne s’était produite – jamais plus, elle ne se reproduira à cette échelle – et c’est ici, en terre de Shin’ar, qu’eut lieu ce qui devait être la fin du monde, peu de temps après que les dieux aient créé les hommes pour les servir. Lire la suite →