Pour rendre hommage à Jacques De Decker, j’ai décidé de le faire parler, de combler un vide du réel. Par le biais d’un discours fictif adressé à la jeunesse, qu’il prisait tant. En tant que jeune et ami de Jacques, j’ai inventé un document dépositaire d’enseignements de vie destinés à ma génération, mêlant idées personnelles, réflexions échangées avec ce grand homme, et saillies tirées de ses œuvres. En un mot, j’ai essayé de traduire, sous la forme d’une lettre, la pensée bienveillante de ce merveilleux traducteur du vivant. Lire la suite


Très cher Jacques,

 

Les longues matinées des 26 et 27 février derniers, nous les avons passées sous les vieilles voûtes de ce petit hôtel des environs de la Place de la République qui t’avait séduit au point de te voir annoncer à ses propriétaires ton retour lors de tes prochains séjours parisiens. Elles auront été les dernières de notre chemin de quarante-trois années alors qu’elles nous semblèrent dessiner l’horizon au long cours de vraies promenades fluviales. Lire la suite


Par une douce soirée d’été, des mots et des chiffres ont décidé de se mêler aux senteurs des plantes et aux chants d’oiseaux.

La pluie s’est invitée presque toute la journée et depuis la fin de l’après-midi, un soleil généreux se répand sur la ville et dans un joli parc à l’allure savamment sauvage.

La terre fume, dilate ses poumons sous la chaude caresse du soleil. Lire la suite



« On était pour lors au mois des blés mûrs, l’air était pesant, le vent tiède… »

Je me blottis contre les créneaux de la Tour de Damme, referme mon Ulenspiegel mais m’attarde sur la couverture d’Olivier Deprez, voyage vers Masereel et ses gravures. Je me redresse, embrasse les paysages déployés à perte de vue au bas de l’édifice moyenâgeux. Prairies et moutons, champs et canaux, l’hôtel de ville et son bulbe, les maisonnettes immaculées et les pavés… Lire la suite


Le tableau est posé par terre, appuyé contre une bibliothèque, dans une pièce encombrée d’un fatras de livres. Deux adolescents – jeunes adultes ? – côte à côte, une fratrie représentée par le père.

Rigueur et fraîcheur, déjà, à l’heure d’une ouverture de destins. Et la peinture conserve la mémoire d’un enthousiasme. Lire la suite


Depuis qu’elle s’était bloquée, laissant la nacelle vide et nue en Place Poelaert, je me glissais dessous avec une certaine jubilation propice à l’insolite.

L’automne déjà ! La dame au petit chien avait disparu, laissant derrière elle un parfum de chevelure vaporeux, aérien, capiteux et subtil.

Trois gamins masqués sortis de l’athénée plus bas, se disputaient un sachet de bonbons. Lire la suite


Remerciements à Claudia De Decker-Ritter

 

Les moteurs du ferry grondent, le pont arrière va se relever, les dernières voitures embarquent, les retardataires courent essoufflés. Odile est à sa place préférée, sur le premier pont arrière, près du drapeau blanc et bleu. Le pont de métal se relève, les moteurs grondent un peu plus fort, le Ferry vibre, l’eau du port s’agite à grands remous, le bateau s’arrache et dessine sa queue d’écume. Elle voit l’île qui s’éloigne, se trouve une table et une chaise à l’ombre. Chacun s’affaire pour la traversée de 4 heures qui les ramènera au Pirée. Il y a déjà une file devant chaque bar. Odile s’y ajoute, commande son freddo cappuccino, un peu de sucre mais pas trop, « metrio », le barman l’exécute avec soin, comme pour chaque passager. Barrista grec, c’est un art. Déjà les maisons blanches ont fondu dans les collines, l’île n’est plus qu’une lointaine silhouette ocre. Le vaisseau prend la route humide, Odile serre les dents, elle sait qu’elle ne reviendra pas dans l’île avant un an. Lire la suite


The Beatles and the Stones

Sucked the marrow out of bone

Put the V in Vietnam

The Beatles and the Stones

Made it good to be alone

To be alone

Guy Chadwick, House of Love

 

La langue, rapportent les mythologues, est le mets que la matriarche Sarah servit à son époux et leur fils pour les préparer à un simulacre sacrificiel fondateur d’une nation. Quel délicieux symbole ! Au commencement était le Verbe – la langue, la langue maternelle, ce qui rappelle au rédacteur une anecdote récente. Ma maman n’étant pas autorisée à quitter l’hôpital Molière le soir du nouvel an pour cause de Covid, elle m’a raconté dans le détail à travers la grille comment elle aurait accommodé la langue de veau pour le repas rituel : l’étuvée avec le thym, les feuilles de laurier et l’oignon piqué de clous de girofle, le dépeçage au couteau pointu, le retrempage, la nuit de repos et enfin la poêlée lente aux échalotes et au vin rouge. Lire la suite


Sous le dôme babylonien du Palais de Justice de Bruxelles, tous les hommes de loi sont en branle contre Gilgamesh. Le scribe de celui-ci n’aurait–il pas discrédité l’image posthume du patron de l’Académie ? Car le héros de la première épopée de l’humanité souhaitait que revînt à JDD le premier exemplaire d’un scandaleux Axiome de la SphèreLire la suite