Aïna ne comprend toujours pas de quoi ou de qui ils parlent.

L’essentiel est qu’ils ne se disputent pas. Assis à même le sol, ils attachent en bottes les carottes, l’air sérieux, affairés, mais avec quelque chose d’électrique dans les gestes et une lueur dans le regard. Pourtant le petit matin est calme et clair, la chaleur d’ici peu rayonnera dans la cour. Que se passe-t-il ?

Aïna pense aux cyclones, mais ce n’est pas la saison. Le dos douloureux, elle soupire sans bruit, puis voit son petit garçon, l’enfant de Salma qui se redresse et secoue le bras de sa mère.

La voix de celle-ci s’élève, mais ce n’est pas contre l’enfant, c’est qu’elle veut toujours avoir le dernier mot. Lire la suite


Histoire : des violences qui s’interposent en de multiples champs, dès les débuts de l’Amérique : conquérants assaillants de terres abruptes et de leurs occupants. Ces rudiments pour la naissance d’un peuple, on ne s’en sépare pas si aisément. Ces corps qui donnent la mort, des westerns, pénétrant la culture d’armes à feu : on ne se défait pas si brutalement. Même dans les réflexes d’enfants déprimés par leurs sentiments d’échec ou d’exclusion, par des misères, par des stigmates de pauvreté. « De sang-froid » dans la violence profonde du sang. Et, il n’y a pas si longtemps, dans des règlements de compte au sommet politique. Puis, le pétrole. Les assujettissements internes et externes ; les intérêts, quand ils ne passent pas par des armes de flammes ont un capitalisme impitoyable qui leur fait écho d’une manière symbolique. Grande armée, troupes où des individus ne cessent d’engendrer le sang.

Pour que le changement soit radical, il eût été intéressant que le président soit une femme noire, et lesbienne, qu’au-delà des races, ce soient les genres qui disparaissent, et toutes les classifications obsolètes qui limitent les capacités d’être, sous le regard sanctionnant de la masse. La pensée, la décision, l’incarnation ; au centre de la grande nation, la synthèse harmonieuse de l’androgynie en lieu du masculin et du féminin, si ennuyeux dans leurs répétitions normatives et étriquées. Entant, j’entendais chanter sur un disque de complaintes révolutionnaires : « La couleur tombe et l’homme reste ». Il n’y a pas d’impact sans stratégie ou organisation, même élective. Et voilà que la couleur noire des esclaves, des bannis de la réussite et de la dignité, s’élève au sommet du pouvoir. Lire la suite


En voilà un qui est entré. Pas dans la petite Europe, mais dans la Grande Amérique. Mal placé/bien placé : nègre pour les blancs, blanc pour les nègres ; jolie couleur café au lait ; un pied de chaque côté de la barrière pigmentaire. Et il a osé. Il y a cru. Il est entré dans le cercle des sommités.

Aussi grâce à ce cher G.W. Bush qui, avec l’aide de ses précieux conseillers, a presque mis à genoux l’Amérique et le monde.

Grâce à lui, le peuple états-unien a voulu d’urgence trouver un chemin de traverse.

Ils ont appelé Barack. Lire la suite


La obamamania atteint de plein fouet la bécasse. Elle aurait pu se contenter de vivre simplement, de vaquer à ses petites affaires, de temps à autre écrire un articulet selon la demande de son rédacteur en chef. Mais, dès la parution à la télévision de ce grand Noir dégingandé, élégant. (Attribué à Obama, dégingandé aussitôt se mue en élégance.) Dès sa parution donc, lors d’un meeting pour l’investiture du parti démocrate, ce grand Noir inconnu, mais si apaisant, si enthousiasmant, si calme de propos, si évident dans ses convictions, si sûr de son fait et de sa personne, si « indubitable » à cette heure de dégringolade et de déprime, qu’il avait crevé l’écran. Hillary Clinton en a même pleuré de dépit. Quant à John McCain, le héros de la guerre du Vietnam, il avait beau agiter ses bras, il n’avait pour atouts que d’être un héros de la guerre du Vietnam et sa couleur de peau.

Elle avait frappé à la porte de son rédacteur en chef. L’avait supplié de l’envoyer à Chicago interviewer le sénateur Obama. Il avait refusé net : trop cher. Et puis, avait-il ajouté conciliant, vous n’avez qu’à regarder les télévisions, vous avez assez d’imagination pour mettre du liant, colmater les vides… comme si vous y étiez… faire semblant que vous l’avez rencontré… les lecteurs n’y verront que du leu… La bécasse est écœurée, dans un reportage rien ne vaut le contact ! direct, l’écoute de la voix, capter les mille impondérables qui rôdent autour d’une personnalité. Elle avait eu cette chance avec Saddam Hussein, descendant des Perses, tenant tête à la horde des nouveaux Mongols déferlant des USA. Toi Bush, barbare inculte, fourrageur de poux. Elle en avait décousu avec celui-ci et son axe du bien, avait même éprouvé une certaine pitié envers Saddam Hussein, mort pour rien, pendu par la bêtise d’un seul homme, Bush. Lire la suite


Le plus redoutable de tous les maux qui menacent l’avenir des États-Unis naît de la présence des Noirs sur leur sol.

Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique

Il n’est parfois pas inutile de faire place à ce bref intervalle de temps qui précède la pensée (quand elle est assez aimable pour se produire), à cette émotion qui subjugue un instant, à ce furtif moment où la jubilation ne s’occupe à peu près que des frissons qui parcourent son échine. De faire place, avant d’intellectualiser, à l’embrasement du cœur. Si tel n’était pas le cas, on verrait se dépeupler les nations On assisterait à l’effondrement du commerce des chants d’amour. On verrait triompher la raison, la mesure, l’objectivité et ainsi de suite, toutes choses auxquelles nous ne sommes décidément pas en mesure de faire durablement face.

J’entendrai, cependant que passera ma diligence pavoisée à la couleur d’Obama, aboyer les cyniques. Ainsi que Remy de Gourmont s’adressant, poétique et fervent, à Simone, je dirai seulement : « Je veux bien ». Car oui, j’ai le goût très profondément incrusté de ces abois-là et je les préfère généralement au chant des oiseaux ou au chœur des anges. Mais au soir du 4 novembre, je me hâte d’exulter. Sachons encore exulter. Déchanter, nous savons. C’est notre lieu d’excellence, le désenchantement. Nous avons fait nos preuves. Et, prudents, d’une prudence que n’inspirent au demeurant pas toujours l’intelligence ou le courage, nous avons pris le pli de ne nous émouvoir qu’à huis clos ou plus simplement encore de feindre que nous ne cédons plus à l’émotion. Obama président, hosanna ! Le vol du boomerang est fameux. Et même si l’on peut craindre que l’aile volante choisira l’émail étincelant de notre sourire béat comme point d’impact, applaudissons son évolution dans les airs. Les ères. Lire la suite


À la mémoire de Claire Lejeune

Une idée juste au fond d’une cave a plus de force qu’une armée.

José Martí

On pouvait faire, cette année-là, le tour du monde pour mille dollars.

Il n’était alors pas interdit de mépriser toute forme de réussite individuelle, de n’éprouver du goût pour aucun rôle social, d’offrir son errance au seul chant d’un fleuve invisible. Chaque jour s’inventaient d’autres mondes, où les plus humbles carrières étaient celles de princes et de princesses d’un royaume englouti – celui des oiseaux et des nuages. Qui n’étaient pas privatisés. L’hymne en avait les accents d’une Internationale cosmique, dont les paroles reliaient à écrire sur les traces de nos camarades Marx et Rimbaud. Si cette haute marée de l’esprit se fracassait contre des digues où retentissaient déjà les vacarmes de John Travolta, de Jean-Paul II et des Nouveaux Philosophes, la corruption des mœurs intellectuelles n’exerçait pas encore une dictature sans partage. La Kommandantur médiatique, du haut de ses miradors, n’avait pas mis au point sa rhétorique victimaire. Jamais les producteurs d’une littérature de gare, n’existant que grâce aux projecteurs, n’auraient osé vendre leurs bavardages magazinesques en se parant du titre d’Ennemis publics. Jamais non plus tel champion des consciences de la gauche n’aurait disputé à un inconcevable Napoléon V « la palme du martyre, la couronne du Christ le plus lapidé d’Europe », car Napoléon IV ne prendrait le pouvoir que deux ans plus tard, et aucun coup d’État situationniste ne pouvait encore décider du sort d’une République. Bientôt les grandes entreprises d’outre-Atlantique, sur injonction de leur Trilatérale, inaugureraient dans les universités des chaires d’enseignement du capitalisme. « Vive la crise », entonnerait un lustre plus tard Yves Montand, sur un scénario d’Alain Minc. « Réfléchissez », susurrerait Catherine Deneuve dans un spot invitant à la privatisation de Suez. J’étais spéculateur sans un rond, misant sur la faillite à long terme de ce système. Aux meilleures grâces duquel, il fallait bien en convenir, je devais ce voyage guidé par la Phénoménologie de l’Esprit. Bagage égaré à Bombay, budget de 10 $ par jour, on fait escale aux antipodes. Lire la suite


Fausto Bama : mister le président

May Fistonne : conseillère sexy

Bretzel Ski : conseilleur occulte

Ellari Blingtong : secrétaire en état

Voix off : une standardiste de standing

 

SCÈNE 1

 

Bureau ovale. Téléphones par dizaines. Ordinateurs, écrans. Lire la suite