El árbol que tú olvidaste

Siempre se acuerda de ti,

Y le pregunta a la noche

Si serás o no feliz.

Atahualpa Yupanqui

Entre deux tétées, ma fille a conduit Eva, son aînée de deux ans, au cours de natation. Ma femme les accompagne. Elles m’ont laissé sur les bras la petite Célia, sept semaines depuis avant-hier. Ou plutôt, dans les bras : la porte refermée sur sa mère, elle s’est mise à pleurer.

J’arpente donc le living, la serrant sur mon cœur. Lire la suite



Cette année-là, la course prit son départ dans un petit village calme. C’eût été une situation banale si on n’y fêtait pas en même temps le concours des meilleurs cochons. Beaucoup avaient été envoyés de loin, sélectionnés pour leur grognement le plus expressif ou bien pour l’élégance avec laquelle ils plongeaient leur groin dans l’auge. Mais d’autres avaient été choisis pour leur comportement civique, leur aspiration à des rôles plus nobles que celui de fournisseur de côtelettes. Une occasion inédite leur avait été fournie par des docteurs en médecine humaine : à court de dons d’organes, on s’était mis à recruter des donneurs chez la race porcine. Et certains cochons, fiers d’avoir les organes les plus proches de l’homme, avaient émis un grognement par lequel ils exprimaient leur « consentement informé » pour le don d’un de leurs reins. Lire la suite


Quand j’étais petit, j’étais vraiment petit. Tout petit.

Ce qui n’empêchait pas un goût immodéré pour l’aventure et la découverte.

Mon papa, qui a toujours été un homme ingénieux, m’avait construit un bathyscaphe à ma taille pour me permettre de voyager dans les conduits des égouts. Lire la suite


Décidément, le cyclisme, ça me poursuit. Pourtant, j’y ai renoncé. À quinze ans. Lors de mon anniversaire.

— Un vélo ? Tu veux un vélo ? Qu’est-ce que tu vas faire d’un vélo ? Tu veux faire le Tour de France sans doute ? Tu veux battre Eddy Merckx ? Je te préviens, Charlotte ! Ne crois pas sortir d’ici sur un vélo ! Tu n’iras pas à la rue là-dessus ! Alors, un vélo pour rouler en rond sur l’herbe du jardin, si tu veux ! Mais ça ne roule pas bien sur l’herbe, un vélo, n’oublie pas ça ! C’est toi qui vas tondre le gazon ? C’est toi qui vas passer la tondeuse chaque jour pour que ça roule bien ? Et abîmer la pelouse ensuite avec les roues d’un vélo ? Lire la suite


Aussi loin qu’il m’en souvienne, une année, un jeune homme au talent reconnu assurant à la télévision que sa participation était prématurée.

Et l’année d’après, une victoire avec un écart en dizaines de minutes sur les poursuivants.

*

Il est des moments où grandir semble n’appartenir qu’aux autres, où la gloire se trouve déjà dévolue. Lire la suite


Pour papa

Ses longs cheveux, lavés de frais, lui descendent à la taille, plus bas peut-être, difficile à dire tant qu’elle est assise.

Les mains aux doigts entrecroisés sagement posées sur les genoux, elle est parfaitement immobile. Seuls ses deux pouces, infatigablement, se caressent, se contournent, se tournent autour, rotation constante, tranquille. Lire la suite


Avant de me lancer dans l’écriture d’Une paix royale, un roman où j’évoque au moins autant les rois de la petite reine que ceux qui régnèrent sur la nation, il m’arriva de rencontrer certains d’entre eux que, dans l’enfance, j’avais particulièrement admirés. Plus tard, ils parurent avoir apprécié le livre, et participèrent même à son lancement au nord du pays et aux Pays-Bas alors que, dans sa version française, il était déjà poursuivi en justice. Lire la suite


Et si le Tour de France était la huitième merveille du monde ? Un monument, certes, mais vivant, mobile (ô combien), une installation — pour user du jargon esthétique contemporain — qui convoque un pays, le plus légendaire qui soit, et le met à contribution comme décor et protagoniste d’une épopée sans pareille ?

Il y a des tours dans d’autres contrées, souvent inspirés de ce prototype, comme il y a des Académies, des Comédies sur le modèle hexagonal, mais il n’y a qu’un Tour, que l’on a traduit dans d’autres langues, qui est devenu Giro, Vuelta, Ronde, mais qu’il suffit de nommer pour qu’on sache qu’il ne peut être que de France, d’une France conquérante, qui passe les frontières, enjambe les mers, annexera peut-être un jour d’autres continents, des planètes pourquoi pas, en demeurant pour autant le Tour, à savoir une promenade pédalante par les routes de France et de Navarre. Lire la suite