pour Jacques
La nuit touche à sa fin. Le pianiste improvise dans une veine jazz manouche une parade musicale, rythme syncopé de l’amour. Une femme rousse le suit du regard, a reconnu l’homme qui fait danser la nuit, se lever l’aube. Surnommé l’homme-orchestre, Jacques a tant de casquettes, de fonctions, de passions, écrivain, dramaturge, traducteur, journaliste, conférencier, secrétaire de l’Académie, professeur, rédacteur en chef… Elle le savait flâneur, polyglotte, traducteur des faits et des âmes mais elle ignorait sa face cachée, pianiste de bar qui étire ses airs, distille ses notes dans des nuits moites. Sous ses doigts, un fantôme s’agite, celui de sa mère. Les mains de sa mère pianiste pulsent son jeu qui séduit les femmes. Il joue pour son père, le peintre Luc De Decker, pour sa mère, pour son frère Armand, pour George Steiner, Anthony Burgess, André Delvaux, Charles Aznavour, Évariste Galois. La femme rousse note la présence d’une créature mince, aux cheveux noirs, qui prend des notes lorsque la musique repasse par les mêmes chemins, les mêmes motifs. Lire la suite

