CERCLE – EXILE IN ALCOHOL

(Récit lyrique d’un voyage en Belgique)

 

1

Plus rien ne suis. J’ai nettoyé la face d’un cheval belge.

Alors, cheval, boirons-nous l’eau-de-vie de cerise ?

Avec l’ivre soie de la solitude

Ravauderons-nous la sérénité ? Lire la suite


C’est pourtant toi qui m’avais appris à ne pas parler.

« Pour ne pas crier » disais-tu. « Pour ne pas trier. Pour l’espoir inespéré d’être enfin compris. Pour ne pas se vider. Pour se remplir de son compagnon de silence. »

Pourquoi malgré cela as-tu parlé ? Toi qui savais le poids et la saveur de l’inexprimé. Pourquoi avoir brisé cette glace si chaude, cette grâce ineffable qui habitait ton visage parcouru d’expressions insaisissables, confuses, incohérentes, qui l’illuminaient ou le ravageaient ? Lire la suite


Un petit peuple libre est plus grand qu’un grand peuple esclave.

Victor Hugo, Choses vues, 1852

 

Victor Hugo voyage dès 1837 avec Juliette Drouet, dite « Juju » ou J.J., sa maîtresse, en touriste en Belgique, où il visite diverses villes comme Ypres, Bruges, Ostende, Anvers, Malines, Mons et Bruxelles. Il effectue de même un deuxième séjour au début août 1840, visitant surtout la région ardennaise, en passant par Dinant, Namur, Liège et Verviers, et effectuant à la plume quelques croquis ainsi que des dessins des châteaux de Bouillon et de Walzin. Devenu un poids lourd national, grand maître des lettres hexagonales, président de la Société des gens de lettres qui succède à Balzac en 1840, Académicien l’an d’après, Pair de France en 1845 et même député, le Poète de l’immense, devenu un scripteur proscrit, puis banni, chassé, et donc en fuite, part pour Bruxelles le 11 décembre 1851 à 20 heures et franchit clandestinement la frontière sous une casquette locale, muni d’un faux passeport portant le nom de Jacques Firmin Lanvin, ouvrier typographe, compositeur d’imprimerie à livres, autrement dit un falsificateur, dans ce pays où ses propres œuvres comme celles de Balzac ou de Dumas sont piratées et pillées sans vergogne par les éditeurs belges qui les reproduisent sans façon et parfois même devancent leur parution en prélevant des fragments dans les grandes revues. Arrivé en Belgique en partant de Quiévrain, il débarque dans la capitale, la gare du Midi étant alors place Rouppe, et descend sous son nom d’emprunt – encore heureux qu’il ne s’appelle pas Lanbière, Lankriek ou même Lanbique – à l’hôtel de la Porte Verte, rue de la Violette. Lire la suite


Les étiquettes commodes ne sont pas toujours mensongères : le dix-huitième siècle de Voltaire, le dix-neuvième siècle de Victor Hugo ?

À côté du premier, on citera à un titre égal, voire supérieur, sous certains aspects : Diderot, d’Alembert, Montesquieu ; et à côté du second, Lamartine sans doute, Vigny et Musset pour compléter le quatuor traditionnel du romantisme français. Mais qui ne déclarerait pas sans exagération que le dix-neuvième siècle est le siècle de Musset ? La célébrité n’est pas ici en cause, c’est plutôt l’envergure qui s’impose au jugement et celle-ci relève d’une pluralité de facteurs difficiles à démêler et dont certains, paradoxalement, sont voués à l’obscurité. La sûreté du style de Hugo, soit. Mais celle, non moins remarquable, du style de Nerval ? La maîtrise du vers, certes, mais est-elle moindre dans Jocelyn que dans les Feuilles d’Automnel J’en arrive à supposer chez Hugo un élément particulier d’aisance de l’expression que plus d’un qualifierait volontiers de facilité. Hugo se lit avec facilité, il entraîne son lecteur, il l’emporte, mieux, il le contraint par la justesse du mot plus souvent, reconnaissons-le, que par la justesse de l’idée. À quoi faut-il attribuer cet étonnant pouvoir et celui-ci est-il payé par un sacrifice trop grand à l’ordre des concepts ? La réponse ne saurait être univoque. Elle exigerait un examen des genres pratiqués par l’écrivain, elle oblige également à envisager le contexte socio-politique de l’époque et à jeter un regard au-delà des frontières de la France, si centrale que soit cette dernière dans la vision de Hugo. Lire la suite


Le soir du 3 février, nous atterrissons à Zaventem, encore émerveillés par la vue panoramique, féérique à cette heure nocturne, de la ville qui accueillit Victor Hugo.

Moi qui n’arrivais pas – et n’arrive toujours pas – à quitter l’Inde, à en revenir (nous y avons passé un mois), je n’en revenais pas de contempler, par le hublot, les rivières de diamants orange et blancs des routes immobiles et des phares mobiles sillonnant le velours noir où sommeillent, comme en une mer suspendue, les rêves des habitants. Lire la suite


À Jean-M. Horemans

Trompé par sa femme, très aguichante, M. Rousseau, professeur du Collège, se consolait au mieux en se donnant corps et âme à son métier. Chaque année, il s’efforçait d’intéresser les potaches en prospectant, hors du programme habituel, les œuvres des auteurs qu’il aimait. Un des premiers retenus avait été Gustave Flaubert. Il y revenait souvent. Connaissant ses déboires conjugaux, les élèves l’avaient, bien sûr, affublé du surnom de Bovary. Pourtant, les jeunes l’aimaient. Cela leur plaisait beaucoup d’abandonner la grammaire pour découvrir l’un ou l’autre écrivain de haut lignage. À la suite de Bovary, ils parcouraient de la sorte des pages, voire des œuvres entières, choisies avec discernement. On leur en conseillait ensuite la relecture. Lire la suite


Fichez-moi donc la paix, laissez dormir Hugo.

Et gardez vos grands mots pour jeter aux bandits

– Ariel, Oussama, les George ou Silvio –

La moitié seulement de ceux que j’aurais dits.




En ai-je vu au cinéma, à la télé, des Jean Valjean !

À jamais le forçat évadé, l’homme qui soulevait un tombereau, Monsieur Madeleine, le protecteur de Cosette, la petite fille à la poupée qui tirait un seau du puits des Thénardier, les infâmes aubergistes du Sergent de Waterloo, Jean Valjean restera Harry Baur dans Les Misérables de Raymond Bernard (1933), version jamais égalée. Lire la suite