2 octobre – Avant que Denis Podalydès ne lise hier soir au Méjan, devant plus de deux cents personnes, de larges extraits des Rêveries du promeneur solitaire, j’ai raconté comment Rousseau avait confirmé ma vocation littéraire quand, à l’âge adolescent, j’étais tombé dans les Confessions sur l’épisode où il raconte la fin de Mme de Vercellis. « Elle ne garda le lit que les deux derniers jours, et ne cessa de s’entretenir paisiblement avec tout le monde. Enfin, ne parlant plus, et déjà dans les combats de l’agonie, elle fit un gros pet. Bon ! dit-elle en se retournant, femme qui pète n’est pas morte. Ce furent les derniers mots qu’elle prononça. » En quelques phrases Rousseau avait rapporté l’aventure, la grâce, l’affront fait à la beauté et au talent par la maladie, la mort. Oui, je crois que c’est ce jour-là, précisément ce jour-là, que ce pétard me fit prendre le chemin de l’écriture.
6 octobre – Les enfants sont en effervescence. Avec des amis ils s’établiront ce soir dans la bergerie devant le téléviseur que nous y avons fait installer pour eux. Ils sont portés par le téméraire espoir de voir l’équipe de France filer la pâtée aux All Blacks de Nouvelle-Zélande. Difficile de comprendre ce qui, confusément, les porte et les transporte. Un fond d’orgueil gaulois ? Le syndrome de David face à ces Goliath du bout du monde qu’on appelle chez nous les « connards » (dixit Le Monde)} Le désir de donner des vacances aux idées ou le besoin d’être « voyous dans les règles », comme dit l’un de « nos » joueurs, et ainsi de laisser libre cours à la violence que sans cesse attisent les injonctions dans notre société ?
Avant de monter, ce soir, j’ai jeté un coup d’œil à l’écran pour voir où en était le fameux match. C’était à la 63e minute, la France venait d’égaliser (13 – 13) et j’ai d’abord vu le sourire satisfait du président Sarkozy qui était à Cardiff avec sa ministre manifestement préférée, Rachida Dati. L’équipe de France a remporté la victoire in extremis (20 – 18) mais je ne sais ni comment ni pourquoi car, même si j’ai de la curiosité pour le vocabulaire, je ne comprends décidément rien à ces mêlées brutales, bouquets de fesses, cravates, mauls, saucissons, arrêts-buffets, plaquages en cathédrale, fourchettes, mêlées écroulées, billes en tête, bouchons, bras cassés pour dire coups francs, à ces cathédrales, roulottes, ruées sans grâce, à ce catch dans lequel le faux et le vrai se dissimulent sous des masques qui se voudraient terrifiants. Lire la suite →