« Pourquoi la maman de Luc détruit exprès la couche d’ozone ?

— Chchcht ! »

Ladite maman, de surcroît ma voisine de droite, a laissé tourner le moteur de la Range Rover qui la mène chaque jour de notre lotissement à l’école ou de celle-ci au parking du centre commercial. Or, l’institutrice de ma fille met toute son âme verte à inculquer aux enfants économies d’énergie et préservation de la planète. Le pire bonnet d’âne peut désormais calculer combien ce mastodonte émet de CO2 en plus que mon antique Fiesta. Et même celle-ci, dont j’escompte encore des années de bons et loyaux services, ne trouve plus grâce aux yeux de ma Sofia. Je devrais, comme la maman de sa meilleure ennemie Brigitt, ma voisine de gauche, illico la changer contre une « classe A », dont par son truchement j’ai appris l’existence. L’enfance peut être impitoyable. Et l’adéquation aux normes prendre des voies insoupçonnées. Lire la suite


Le chemin de l’humanité vers l’humanité ne peut éviter de passer par Cuba
Abel Prieto
ministre de la Culture de la République de Cuba

J’ai dans l’âme un œil qui voit l’avenir, don mystérieux d’une étoile où chaque nuit, jusqu’à ma cime, retentit le cri d’Eva de Cuba. Depuis l’éclair qui engendra la belle Habanaguana – première ancêtre d’Eva – nul n’a connu d’histoire plus mémorable dans le cours entier des âges et des mythes : c’est ce dont, par mes feuilles, il fallait témoigner. Car je suis né moi-même d’une semence astrale tombée de cette foudre. Un arbre vous conseille donc d’écouter bruire le vent dans ses palmes, d’entendre monter de ses racines la rumeur d’une très vieille mélopée. Lire la suite


pour adorable qu’elle puisse être
R.-M. Rilke

Comment va le monde ? !! Vous vous êtes déjà posé c’te question, Môssieur ? !! Comment va le monde ??? Soyons honnêtes, Môssieur !!! Avez-vous trouvé quelque part une once de réponse ??? Ailleurs, je veux dire !!! Ailleurs qu’ici !!! Oui, Môssieur ? !! Avez-vous trouvé quelque chose qui vous réponde ??? Ailleurs qu’ici ? !! Vraiment ??? Non, Môssieur, Non !!! Vous n’avez rien trouvé !!! Dans le cas contraire, vous vous abstiendriez !!! Mais là ??? Puisque c’est à moi que vous la posez, désormais !!! Vous ne pouviez mieux tomber, Môssieur !!! Vous avez frappé à la juste oreille !!! La bonne échoppe !!! Lire la suite


Gaston Grappe, voilà le nom de celui dont je vais vous parler, un type dans la cinquantaine, grand et mince (pas un millimètre de graisse), genre beau mec, les cheveux couleur de lin grisonnants, toujours tiré à quatre épingles, toujours très classe, Armani ou Smalto, impossible de ne pas être frappé par son allure extrêmement distinguée et la douceur de ses traits.

À l’époque où j’ai fait sa connaissance, il venait de se lancer dans la restauration, un nouveau concept, affirmait-il, une sorte de snack cent pour cent bio, des petits plats simples, laitue, tomate, carotte râpée, lentille, aubergine cuite à l’eau, salade de thon, sardines à l’huile d’olive, saumon fumé, poulet froid, fruits de saison, jamais de viande (jamais de carne, comme il disait), pain aux céréales, le tout servi dans un décor 7, en par de très jolies filles.

Son premier snack, ironiquement baptisé Au Sain Plat, Gaston Grappe l’avait ouvert galerie Louise, entrée place Stéphanie, un succès presque immédiat. Et moins d’un an plus tard, il y en avait eu un deuxième, dans une autre galerie bruxelloise, place du Grand-Sablon, un endroit agréable ouvert toute la semaine à midi, y compris le dimanche et les jours fériés. Lire la suite


Le guide touristique a plus d’un tour dans son sac. Contrairement au mari, il reste toujours vert. Mieux : c’est un objet facile à manipuler. Il brille par son savoir, déroule des phrases limpides comme un ruisseau, s’illustre par des schémas d’un génie tout militaire. À se demander s’il faut vraiment partir en vacances. Plus la peine de boucler ses valises, ni sa ceinture dans l’avion. Monsieur et madame posés dans le fauteuil, au salon, devant un verre d’exotisme et des amuse-gueules de saison. Chacun ouvre son exemplaire en soupirant d’aise et se plonge dans la lecture. Les panoramas dévoilent leurs villages de nains. Les cathédrales exposent leur profil doublement masculin. Les torrents déversent la petite histoire dans la grande qui se répand dans la Meuse, puis dans l’oubli.

Monsieur se demande comment leur couple a pu vivre si longtemps en ne sachant pas. Lire la suite


Cinq cents millions de dollars. Ou cinq cent ? Rappelez-vous : Les déterminants numéraux cardinaux sont invariables, à l’exception de « vingt » et « cent » qui prennent la marque du pluriel quand ils sont multipliés et qu’ils terminent le numéral cardinal, comme dans « quatre-vingts » ou dans « cinq cents ». D’accord, mais qu’en est-il lorsqu’il s’agit de 500 millions, voire de 500 milliards ? Lire la suite


« Ne trouves-tu pas que le temps change ? Des nuages encombrent le ciel et nous nous croyions dans une lumière parfaite il y a encore un instant…Elle nous tombe sur le dos parfois encore comme quand nous étions enfants. Elle nous réchauffait pour nous donner l’envie de grandir…Tiens, l’eau est plus chaude. J’ai les doigts de pied qui frétillent. Cette eau qui coule entre nos jambes et qui file en emportant un rien de nous, une minuscule parcelle de notre présence me donne envie de me coucher et de me laisser aller, comme ça, sans rien faire, sur le dos et aller lentement vers la mer… ». Lire la suite


Les jeunes comédiens se débrouillent comme ils peuvent. Jacques Faubert, dans l’attente que son nom vous dise quelque chose, profitait de l’été pour se produire à Covent Garden. Là, dans la rue, entre le théâtre et les halles, il se livrait pour les touristes à un épuisant exercice d’ange immobile. Il était blanc des pieds à la tête. Tunique blanche, gants blancs, perruque blanche. Son visage et ses lèvres étaient maquillés de blanc. Son numéro s’intitulait « l’ange de Reims », à cause du sourire qui naissait lentement sur ses lèvres quand une pièce de quelques shillings tombait dans son escarcelle. Il attirait surtout l’attention des enfants qui l’observaient, fascinés, la bouche ouverte. La difficulté consistait à les inviter du regard à retenir leurs géniteurs qui finissaient souvent par verser leur écot. La vie à Londres coûte cher aux anges. Lire la suite



Tous les tableaux devraient être de la même taille et  de la même couleur, de sorte qu’ils seraient interchangeables et que personne n’aurait le sentiment d’en avoir un bon ou un  mauvais.

Andy Warhol

Il fut un temps, récent, où Jim Greylord Jr passait sans peine pour un des derniers, voire pour l’ultime empereur de la finance transnationale, sa qualité d’Européen rendant le prodige plus remarquable encore.. Le secret de sa réussite ? Cet octogénaire dont le physique d’ascète et le visage parcheminé n’étaient pas sans rappeler la dégaine de feu l’écrivain Samuel Beckett, avait su garder intacte la fièvre d’innovation et de transgression qui firent le charme et la raison d’être de sa vie d’adolescent, durant les déjà historiques Golden Sixties qu’il passa à hanter les cénacles expérimentaux de Paris et de Londres. Lire la suite