Comme chaque fois que nous nous déplacions, le voisin du dessous sortait sur le palier et nous criait dessus dans la cage d’escalier, nous décidâmes d’apprendre à voler.

Nous découvrîmes avec un ravissement enfantin que des ailes nous avaient poussé et que nous pouvions nous déplacer d’une pièce à l’autre sans toucher le sol, sans que résonnent nos chaussures ni que crisse le plancher. Mais, inévitablement les portes grinçaient lorsqu’on les ouvrait ou fermait. Les chaises, lorsqu’on s’asseyait, produisaient un peu de bruit qui devait s’entendre à l’étage du dessous. Toutefois notre déplacement aérien avait éliminé la source principale de bruit et nous pensions de bonne foi que l’époque des récriminations et des plaintes était dorénavant révolue. Lire la suite


En Tunisie, depuis des années, les internautes qui chattent contre le gouvernement sont enfermés. Internet est censuré. Lors des manifestations, seules quelques photos prises par les GSM parviennent en Europe. Les manifestants demandent du pain, du travail et la liberté.

Le 17 décembre 2010, un jeune marchand ambulant à qui on avait retiré sa licence s’est immolé par le feu. Ce geste a mis le feu aux poudres. Les jeunes de Tunisie ont appelé sur Facebook à descendre dans la rue. Car les jeunes savent détourner toutes les censures ; ils sont experts en logiciels. La rue s’est mise en mouvement. Les tripes du peuple ont vibré. Tunisie hurlante, des corps tabassés, des voitures de police renversées, des slogans hurlés et brandis, « Ben Ali dégage ». Il a dégagé, le 14 janvier 2011. C’est la révolution du jasmin.

De tout cela, Il reste un imaginaire, qui allumera l’étincelle des futures révoltes. Un raz de marée de blogueurs passant les frontières, envahissant tout le Maghreb, jusqu’au Moyen-Orient, la Jordanie, le Yémen… Lire la suite


Certains sont du soir, d’autres du matin, et Robert Botilde, étant du matin, avait au saut du lit enclenché son panoptic afin d’y renouer le contact avec ses semblables et comme qui dirait reprendre conscience de la réalité.

La réalité, effectivement, puisqu’il avait suffi à Robert de dicter son passe à l’ouïe de l’appareil multimédia — Rob-Bot, en dissociant bien les syllabes – pour se retrouver plongé en direct et selon son choix dans les lieux les plus chauds de la planète : soit sur le site Democrazy où se jouaient différents moments forts de la libération de ceux que les voix off des commentateurs qualifiaient, de façon insistante, de champions de la démocratie… Lire la suite


Si au moins le gros lard en pyjama de soie engoncé dans les rayures côtelées de son pantalon s’était éclaté la panse sur la Nadar, j’aurais pu exister ce 23 janvier. Il y aurait eu des bouts de chair orange partout sur le landau de son môme boule de gras, du ketchup humain sur la barrière, et franchement, ç’aurait rendu un bel effet fond-forme — de quoi se gargariser les neurones avec ce qu’on a appris, on s’ennuie pendant dix minutes parce qu’on connaît déjà tout ça, mais ça occupe, ça éloigne l’angoisse pendant ce court laps de temps, ça permet à l’air de gagner des parcelles de poumons et il fait un peu plus tempéré sur les tempes.

Mais non, bien sûr, ce 23 janvier je n’ai vu que la gueule de beauf des amis de Mélanie et la même mini-gueule de gnou des mioches des amis de Mélanie, avec tant de prépositions et de distance je me demande même plus pourquoi j’ai pas l’impression d’exister dans leur petit tas. Eux, ils vivent un truc, les connexions sont établies, on dirait, moi, leur réel, je le vois pas, j’ai juste l’air con, du coup, je parle pas, pas vraiment, je sais même pas ce qui sort de ma bouche c’est tellement jamais moi, que pour sentir quelque chose il faudrait que la panse du gros lard se prenne la Nadar mais c’est pas le cas. Lire la suite


Jacques est assis sur une chaise à l’avant-scène, il regarde dans une énorme lunette vers le public. Le reste de la scène est assez sombre mais on devine un homme couché dans un fauteuil.

jacques : La terre a tremblé.

zek : Qu’est-ce que vous dites ?

jacques : La terre a tremblé.

zek : Attendez, je vais dessiner. Il le faut n’est-ce pas ? Donc, vous dites ?

jacques : La terre a tremblé. Lire la suite


La MOndoVIsion® égrenait son chapelet de messages sanitaires de bon aloi, comme tous les matins à la même heure. Arnold n’y faisait plus attention mais il savait, la MoVi® le lui avait appris, que ça lui rentrait malgré tout dans le crâne. Bien pratique : il devenait moins bête sans faire d’effort. Il se contentait pour l’heure d’ingurgiter le petit-déjeuner idéal, conçu sur mesure par son ASSistant Ménager PersonnelTM. Il termina rapidement ce savoureux repas et s’apprêta pour le trajet vers son lieu de travail. La manœuvre se résuma à enfiler des pantoufles, confortables vestiges des siècles passés. Il se dirigea ensuite nonchalamment vers son EXTension HAbitable MODulaireTM et s’installa dans le large siège qui trônait dans cet espace cubique sans aucune décoration. Une paroi descendit devant Arnold. Son siège pivota de cent quatre-vingts degrés pour faire face au mur du fond. Une image s’y forma et le monologue de la MOndoVIsion® reprit pour accompagner le passager de l’ExtHaModTM dans son voyage. Arnold ne prêta aucune attention au bruit qui accompagna la phase de détachement. Pas plus qu’il ne se soucia de l’accélération. Et le cadet de ses soucis était l’absence totale de fenêtre dans le module comme dans tout son minuscule domicile. Pourquoi se préoccuper de l’Extérieur quand on avait tout ce qu’il fallait chez soi ? Lire la suite


« Bravo au peuple du monde ! »

Quel prétentieux encouragement, n’est-ce pas ? Cette prétention n’est pourtant pas ressentie lorsqu’un « Bravo au peuple de… » (au choix, en cette période multirévolutionnaire) s’affiche sur le « mur » d’une page Facebook. Si l’écrivain qui félicite un peuple est prétentieux et l’internaute ne l’est pas, comment évaluer le propos ? C’est simple : il suffit de le dire. Dites : « Bravo au peuple d’Égypte », par exemple dans une soirée entre amis, dans l’autobus ou dans votre baignoire. Vous serez saisi même si cela ne vous noie pas. Lire la suite


— Maître, vous avez la parole.

— Je vous remercie, Monsieur le représentant général des citoyens. Il m’échoit donc la lourde tâche de défendre ici le juge Coppens pour les graves préventions qui sont retenues contre lui. L’instruction a été menée à charge et à décharge par les instances compétentes, à savoir l’Association nationale des journalistes professionnels. Conformément à la règle, tous les éléments de l’enquête, à tout le moins ceux acceptés par les instructeurs, ont été soumis à l’avis des citoyens par voie de référendum sur internet et de publication dans tous les grands quotidiens en ligne. La nation entière connaît donc les détails de l’affaire, sauf que…

— Maître, nous savons tous cela. On vous demande de défendre votre client, pas de nous donner un cours. Le peuple connaît parfaitement les règles de procédure pénale. Poursuivez, mais soyez concret, et restez dans le cadre de la mission qui vous est impartie. Puisqu’on n’a pas encore supprimé les avocats, il faut bien que nous vous écoutions…

— Eh bien, Monsieur le représentant général des citoyens, je vous l’annonce alors d’emblée : je demande l’acquittement de mon client. Lire la suite


Le Tour 2012 ralliera Tournai.be

repartira d’Orchies.fr

 

Passera Passera pas

j’irai fixer mon maillot jaune

sur la carte Google Maps

Nous sommes cent

nous sommes mille

avec nos dossards blanc cassé

numérotés estampillés

Nom Prénom Ville Titre

Vu

y a déjà le bourgmestre et le maire

les ténors du Basket Templeuve

trois confréries du Carnaval

l’entraîneur de l’Excelsior et celui des Minimes

Sam du Café des Sports

la famille Lemoyeu

le poète Raoul de Saint-Guidon

Message Pas message

ton cri du cœur

plus grand qu’un ex-voto

plus trash qu’un folder

« Je porte mon soutien pour que ça se réalise » (Jean-Guy Sapin, sic)

Nord Éclair et Voix du Nord

en français en picard en flamand

On y va

Va pour le Tour

Un pavé au clavier

« Paris-Roubaix nous sauvera »

Cliquera Cliquera pas

sur l’écran de la Boucle

y a des drapeaux vengeurs

des phrases à cueillir

J’irai chuter sur vos routes

J’irai cracher sur vos pompes

et mousser

dans vos éprouvettes

J’écrirai au karcher

des prénoms prestigieux

Alberto Sylvère Eddy Lance

Ce jour à 18 h 42

je plante mon tee-shirt virtuel

sur le planisphère maillot jaune