In the Antechamber of Death the walls are lined with rows of plastic chairs, held together with little chains (probably so no-one can steal them). Or rather not the walls but the canvas and tubular sides, for the antechamber is not a room but a narrow, khaki-coloured tent, stretching miles away down the road well beyond the “Shop-till-you-drop” supermarket and the “Buy-till-you-die” pharmacy. Both are just shutting and their lights going out. Everywhere is dark. Except inside the tent, which is filled with a faint cream-cheese-coloured glow like thousands of fireflies and silkworms strolling amourously through a cloud of candyfloss on a summer’s night. Lire la suite


Samedi 16 mai – Les deux jeunes cinéastes israéliens Sharon Maymon et Tal Granit ont à leur tour réalisé un film consacré à l’euthanasie, notamment liée à l’irrémédiable développement de la maladie d’Alzheimer. L’histoire se déroule dans une maison de retraite des faubourgs de Tel Aviv et les décisions d’en finir sont prises par des résidents, les actes d’euthanasie restant interdits dans le pays. Bien menée, la narration est parsemée de clins d’œil humoristiques comme les juifs savent en bâtir, dans le cynisme, la moquerie et l’autodérision. Il n’empêche que l’on sort de la salle secoué, en pensant inévitablement à son propre destin.

Dimanche 17 mai – « Les loups sont entrés dans Paris » chantait Serge Reggiani à la charmante Elvire. Il faudrait reprendre le texte de Vidalie en l’adaptant selon les rimes : en effet, les islamistes sont entrés dans Palmyre. Et l’Unesco, impuissante, craint le pire, charmante Elvire… Lire la suite


Titre original : Way to go, baby!

traduit par Stéphanie Follebouckt

Dans l’Antichambre de la Mort, des chaises en plastique reliées par des chaînes (sans doute pour éviter le vol) tapissent les murs. En fait pas vraiment des murs mais des parois de toile et de tubes car l’Antichambre n’est pas une pièce mais une tente kaki étroite qui s’étend sur des kilomètres le long de la route, bien au-delà du supermarché « Faire les rayons jusqu’à l’extinction » et de la pharmacie « Acheter jusqu’à en crever ». Les deux ferment à l’instant, leurs lumières s’éteignent. L’obscurité règne sauf dans la tente emplie d’une faible lueur couleur de fromage crémeux comme si, au cours d’une nuit d’été, des milliers de lucioles et de vers à soie se baladaient amoureusement à travers un nuage de barbe à papa.

Près de l’entrée de la tente dont les rabats ne battent pas (le temps est brumeux et humide mais il n’y a pas de vent), le portier-vigile (sa mission est double : mener les gens à l’intérieur et s’assurer que personne ne décampe) se tient immobile et silencieux sur le trottoir devant la boîte de nuit « Bien envoyé, bébé ! ». Ses grosses mains sont jointes, son épaisse tête de militaire, rasée et sans cou, est perchée sur le col d’une chemise d’un blanc immaculé, agrémenté d’un élégant nœud papillon rouge, sa veste de smoking noire et soyeuse est étirée sur des épaules bien plus larges que la moyenne, ses pattes caprines sont tordues à hauteur des genoux (qu’il a cagneux) et des sabots. Lire la suite


Son corps est noir, qui se glisse dans la jungle vert bouteille et son fouillis de plantes grasses maculées de sang après chacune de leurs expéditions, conquêtes, contre-attaques supposées, sur les traces d’adversaires que ses frères d’armes et lui-même, Dieudonné Nyama, auront tôt fait de réduire au silence éternel.

Hommes, femmes, enfants mâles et femelles, tous dans le même sac, tous dans le même trou ou le même charnier livré aux bêtes sauvages. Sans que Dieudonné en éprouve ni pitié ni regrets. Ni même de la joie : c’est dans l’ordre des choses, croit-il, cette violence froide sous le soleil implacable. Ainsi va sa vie avec la mort qui rôde, sachant qu’un jour son tour viendra d’être un de ces cadavres abandonnés même par leurs proches, méconnaissables. Lire la suite


Après son accident d’avion, mon père renonça d’un seul coup au plaisir d’exister. Il s’enfonça dans le travail, lui qui avait mené jusque-là sa carrière de comptable sans souci de perfection. Il rapportait des dossiers à la maison, sautait les repas, grommelait interminablement au téléphone. Il faisait son nœud de cravate plus mal que jamais, et son gilet en tricot vert avait des taches sur le devant. Par ce laisser-aller, il voulait montrer qu’il avait renoncé aux vanités du monde : il en avait simplement adopté de nouvelles. Lire la suite


« Les enfants sont trop fragiles, et vulnérables. Les enfants doivent disparaître du théâtre des hostilités, pour permettre aux adultes de décider du sort du monde, on ne peut plus continuer à faire la guerre avec des petits autour, cela perturbe les foules et empêche les guerriers de bien mener leurs opérations, on ne sait plus où bombarder, ils sont partout. »

Le monde avait donc exclu les enfants. Loin, derrière une grille qu’ils ne sauraient pas franchir, cachés dans une forêt comme Blanche Neige, bannis pour éviter le pire, au nom du respect et des droits de l’homme à se tuer sans dépasser les bornes. Cela n’avait pas été présenté comme ça, les arguments de mise à l’écart étaient convaincants, et la campagne de recensement/délocalisation rassurante. Lire la suite


Elle a dit que ce malheur lui était arrivé parce que, ces derniers mois, elle avait trop regardé la télévision, et, autour d’elle, ceux de sa famille, aussi naïfs qu’elle, ressentant du fond de leur crâne que la vie était un mystère trop vaste pour eux, se demandaient, en effet, si la télévision ne serait pas responsable de ce malheur qui venait de lui tomber dessus, ils s’interrogeaient en silence et pensaient C’est vrai ! Chaque fois qu’on lui rendait visite, on la trouvait affalée dans son fauteuil devant sa télévision allumée en permanence de sorte qu’il était difficile d’avoir une bonne conversation, oui, on lui parlait, mais elle, elle restait happée par l’écran où se passaient des choses horribles, alors ceux de sa famille lui donnaient raison, Sans doute, c’est à cause de ça, oui !, ils le disaient avec douceur, pour ne pas en rajouter côté culpabilité, mais ils étaient gênés, personne dans la famille n’avait connu ça, pas d’antécédent, non, rien que des nouveau-nés bien conçus, une belle tête de bébé, nez, bouche, oreilles, mains, pieds, sexe, oui, rien que du normal dans la famille, bien sûr, on se mariait souvent entre cousins, et alors ? on fabriquait des enfants normaux, bientôt aptes à continuer l’histoire des hommes. Lire la suite


À la mémoire

de Jeanne et Margret

d’Avram et Ahmed

qui auraient pu jouer ensemble

Criquelions, avril 1944. À peine descendue dans l’abri (creusé au jardin par mon père et notre voisin), je m’aperçois que j’ai oublié ma poupée. Je remonte aussitôt les quelques marches de terre battue. « Maïe ! Reviens ! » Je n’écoute pas. Je cours à la maison. Trop tard ! La bombe explose, le déplacement d’air est si fort que je suis projetée au sol puis traînée sur les cendres de la cour. J’ai les mains, les bras, les genoux, les jambes en sang. « Quand on désobéit, on est toujours puni, » martèle ma mère en nettoyant mes plaies à l’éther puis en les badigeonnant de mercurochrome. Maman est partagée entre la peur, la colère, le soulagement : cette fois encore nous sommes en vie, cette fois encore la maison est debout. Lire la suite


Dans la rue silencieuse, l’enfant joue, à califourchon sur un muret blanchi par la poussière.

Le soleil, très haut dans le ciel, brûle le sable, les visages, les maisons et les rues.

D’une main, l’enfant claque la croupe de sa monture imaginaire. La face fouettée par l’air chaud, il s’agrippe à la longue crinière. L’encolure et le poitrail du cheval blanc luisent de sueur, les naseaux frémissent, les sabots s’enfoncent dans le sable pour le rejeter au loin. Lire la suite