Comme on voit l’hiver deux chevaux qui vont l’amble,

Côte à côte, au bord doré de la marée,

Élevant mêmes sabots et mêmes jambes

Du même or brun sur l’or gris de la marée,

Comme on les voit dans l’or bleu de ce décembre Lire la suite


Pour Jacques De Decker

Cher Jacques,

 

Tu auras bientôt 50 ans paraît-il… te souviens-tu, nous avons parlé longuement à l’Académie lors d’une réunion très enfumée et très abreuvée. Et tu m’as apporté une grande joie… tu m’as dit que la jeune génération littéraire connaissait et peut-être aimait certaines de mes œuvres. Nous nous sommes séparés… et nous ne nous sommes plus ou très peu vus… et puis, nous étions inquiets pour toi… Or, vois-tu, il me semble que la vie, comme les plus belles fleurs, se fane ! Mais elles se fanent pour fleurir à nouveau. Et à présent, dans mon vieux jardin, Elza et moi retrouvons tout ce qui est doux : les ailes qui sont des oiseaux et le vent qui nous apporte tout ce qui est beau et bon. Lire la suite


J’ignorais encore à quel point c’était tragiquement vrai.

Gérard Prévot

 

Vous connaissez mon jardin. Il est tout petit. Entouré de hauts murs et, plus loin, d’immeubles à nombreux étages. Ce n’est pas vraiment un jardin. Plutôt un puits. Mais un puits tout empli de la verdure de feuillages qui n’exigent guère de soleil. Il y a bien entendu du lierre, ce roi des tombes et des architectures en ruine. Mais aussi des hortensias courageux et feuillus, qui ne donnent plus de fleurs depuis longtemps, mais gardent belle allure. Dans un coin bien abrité du vent, un camélia stérile mais vigoureux, et une azalée en pot qui survit miraculeusement à tous les hivers. Tout au fond, hirsute, épineux, désordonné, un buisson-ardent dont les baies rougissent en automne. Dans un autre coin, quelques mètres carrés de muguet, des fougères et, partout au ras du sol, des fraisiers des bois, dont je dispute parfois les fruits aux merles. Lire la suite


pour Jacques De Decker,

en gage d’admirative et fidèle amitié.

Sortie des prisons de l’âge,

je reviens au lieu-dit de ma naissance :

le temps que met une larme à tomber,

un coup de vent à soulever la feuille,

un coup de vin à monter à la tête, Lire la suite


Très cher Jacques,

 

Depuis plus de vingt ans que nous nous connaissons, la tendresse et la fidélité de pensée qui nous liaient dans le temps avaient un caractère de continuité paisible. Nous pouvions rester des mois sans nous voir, et je crois que jamais nous n’avons eu besoin de nous écrire. Tu étais là, et cela suffisait pour que notre mutuelle confiance agisse en permanence. Il a fallu que tu sois secoué par cette alerte de santé pour que, soudain, je sente à quel point tu représentais à mes yeux une présence forte, à la fois profonde, grave et rieuse. Tu comptes énormément. Alors je suis heureuse aujourd’hui de te le répéter ; soigne-toi bien, sois heureux, toi aussi, auprès de ta Claudia dont Jean Tordeur m’a si chaleureusement parlé. Lire la suite




La neige tombait sur Jérusalem, ce qui se produit toujours les années tristes. Mes bureaux étaient à Tel Aviv mais j’avais insisté pour habiter dans la capitale israélienne (un terme que je devais bannir de mon vocabulaire selon les directives de mon ministère qui tenait à ménager ses intérêts dans les pays arabes). Il faisait trop humide pour s’attarder dans les cafés. Fraîchement débarqué, je ne connaissais personne. Cela ne me pesait pas encore même si je ne me faisais guère d’illusion, un attaché culturel belge n’est pas le diplomate le plus courtisé. Grelottant, j’avais décidé de regagner mon minuscule appartement quand la publicité bariolée d’un cinéma attira mon attention. Une femme au visage angélique entourée d’étoiles sur un fond bleu. Greta Garbo ou Kim Basinger ? Peut-être même Miriam Makeba ! Le dessinateur devait être à sa première enseigne ! Le titre était en caractères hébreux. Les photos ne me rappelaient rien. Mais j’avais soudain une telle envie de cinéma qu’il n’y avait pas de film dont je n’aurais pu jouir, fût-ce le temps d’une séquence, dans l’état d’esprit où je me trouvais. Lire la suite



J’aurais pu vous connaître. De là dans ma vie ce parfum de mélancolie – amertume du buis et du cyprès et de leurs feuilles épanouies dans le cimetière de mon enfance. Marilyn : je dis Marilyn, et m’embrume cette angoisse que seule suscite l’aube : encore un jour à vivre, et sa peine d’être. Alors il m’arrive d’écrire, tristement, des choses comme celle-ci :

Le 37e jour de la semaine (nous étions en septembre), comme il avait perdu sa calculette d’ambre, Lire la suite