4 juillet – Par la presse belge j’apprends que Reinhoud d’Haese est mort à Paris. J’aimais le voir faire à table des petits monstres avec de la mie de pain. Il avait l’humour tendre et froid. Chaque fois que j’entre dans ma salle de bains ou que j’en sors, mon regard passe par une de ses lithos où est représenté un personnage de sa façon qui me tire la langue. La langue ou le nez ?
Ce soir, vu Good Night, and Good Luck, le film en noir et blanc de 2005 avec lequel George Clooney montre dans quel détestable climat Edward R. Murrow, présentateur à C.B.S., et Fred Friendly, son producteur, s’en prirent au sénateur McCarthy pour mettre fin à sa chasse aux sorcières de sinistre mémoire. Un film aux résonances très actuelles qui devrait faire partie du matériel pédagogique de toute école de journalisme.
6 juillet – C’est en juin 1996, près de Pigalle, dans une voie privée, à l’étage d’une maison couverte de feuillage et de fleurs, que j’avais rencontré Régine Crespin dont tant de fois, à l’époque, j’avais fait entendre la voix dans mon Domaine privé, à l’antenne de France Musique. Quand j’avais pénétré dans le salon tout de rouge tendu comme une loge, une mélopée de John Coltrane ruisselait de haut-parleurs invisibles et, tournant le dos à la fenêtre, fume-cigarette aux lèvres, verre à la main, il y avait cette femme multiple, Tosca, Kundry, Carmen ou la Maréchale, au regard solaire derrière d’immenses lunettes. Elle vient de mourir, cette diva, mon fils me l’a appris hier au moment où je disais avoir l’impression de me tenir au bord d’une falaise et de voir se précipiter dans le vide des gens qui, par l’âge, auraient dû le faire après moi. Régine m’avait fait revenir plusieurs fois avenue Frochot, m’avait emmené en province pour assister à quelques master classes et elle m’avait raconté mille souvenirs pour m’inciter à rééditer ses mémoires, À la scène, à la ville. Je me souviens de sa gourmande gaillardise, de ses impertinences langagières, de son exigeante et tendre amitié, et j’ai parfois rêvé aux méharées sensuelles qu’elle avait dû offrir aux hommes qui avaient traversé sa vie. L’amour et la vie d’une femme. J’écoute Schumann. Exit Régine. Lire la suite →