Commençons par planter le décor. En homme de théâtre qu’il fut, est et restera, il ne s’y prendrait pas autrement. Un décor en dit plus que mille mots. Sur les personnages, sur l’atmosphère psychologique, sur l’état de tension, sur l’époque… Si vous en éliminez tous les éléments parasites dus à la modernité et à la bruxellisation, les lieux dont il est ici question forment un cadre exceptionnel concentré sur quelques kilomètres carrés. D’abord, le Palais des académies, au rang desquelles celle qui requiert toute son énergie et son enthousiasme ces dernières années : l’Académie Royale de Langue et de Littérature Française de Belgique, l’ARLLFB comme l’aurait lâché un Gaston Lagaffe indigné. Un vaste bâtiment souvent vide, avec un hall large et haut de plafond, soutenu par une colonnade sans prestige, qui pouvait laisser passer les diligences à son origine. Cette entrée en matière peu avenante est compensée par un double escalier monumental, avec ses volées médiane et latérale, qui donne accès à des salles d’apparat d’une autre époque et des bureaux somptueux pour les uns, poussiéreux pour les autres. Le tout semé de bustes de nos gloires littéraires passées. Ces bustes devant lesquels il s’arrête régulièrement lorsqu’il est seul, avec un fin sourire complice. Ils permettent de relativiser bien des ambitions : qui, même chez les érudits, se souvient de ses illustres prédécesseurs, Gustave Vanzype, Charles Bernard, Luc Hommel. Marcel Thiry, Georges Sion, Jean Tordeur laissent quelques traces dans les mémoires lettrées. André Goosse, on s’en souvient par l’intercession de son beau-père, créateur du Bon usage de la langue française, incontournable référence des potaches wallons et bruxellois. L’académie belge a cette particularité par rapport à la française d’élire en son sein philologues et grammairiens. Eh oui, le Belge cultive un complexe d’infériorité au regard du français de Paris dont il tente de se guérir en multipliant les ouvrages de linguistique et de philologie. Lire la suite


Je sais : quand quelqu’un meurt, il se trouve toujours une armée de personnes pour se prétendre son ami. Cette armée qui n’était pas toujours fidèle et sûrement pas toujours disponible pour défendre l’ami disparu, du temps où il vivait et traversait les aspérités du chemin. Lire la suite


La berline royale pénétra au pas dans les jardins du palais des Académies. Un homme en gris claqua la portière arrière et se rendit d’un pas assuré au premier étage, traversa la longue salle du trône, bustes augustes en marbre blanc, pour rejoindre le cabinet du Perpétuel autrefois occupé par le prince héritier du Royaume Uni des Pays-Bas. Lire la suite


Personne, dit-on, n’est irremplaçable. Mais il y a des exceptions qui confirment la règle et Jacques en fait partie. Il y aurait, il y a tant à dire, et tant d’amis le feront mieux que moi. Je m’en tiendrai donc, ici, à une petite histoire, une anecdote vécue que, dans son extrême modestie et son extrême activité sur tous les fronts de la littérature, Jacques avait sans doute oubliée. Lire la suite



An 2050. La belle génération que voici ! Vivace, révoltée au-delà de toutes déceptions. Sourde aux promesses éculées, opposant la sève aux tisanes. Sans la moindre pitié pour les conformismes. Acclamant le délitement de la société de l’émotion. Foin de l’instantanéité, du viscéral, des geignements suivis de la plus déroutante passivité.

Place à la raison ! Retour de la réflexion, de la philosophie en son essence, de l’érudition tonique, seul rempart contre la fascination des aventures guerrières terminées en regrets et repentirs. Lire la suite


Pour Jacques, avec affection,

ce texte effronté

en souvenir de l’Esprit Frappeur de l’athénée Fernand Blum.

 

Il le regarde avec effarement.

– Ce n’est pas possible, Armand. Cela n’a pas pu se dérouler ainsi. Elle était si jolie et le Père Peï est un homme sensible et délicat. Il n’a pas pu commettre un acte pareil. Je ne te crois pas. Ne le connaissons-nous pas depuis toujours ? Lire la suite


On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans…

Te souviens-tu, Jacques, quand tu récitais Rimbaud devant nous qui t’écoutions émerveillés, bouleversés ? Rimbaud ? Rien à faire de Rimbaud ! C’était toi qu’on entendait. Tu avais l’air d’improviser ces strophes magnifiques qui, sur papier, paraissaient démodées, étrangères, et, grâce à toi, exprimaient subitement nos mots, nos émotions. Lire la suite


Faut-il croire à la prémonition ou aux coïncidences ? Toujours est-il que dans la nuit du 11 au 12 avril, j’ai fait un rêve… En guise d’adieu je te le livre ici, mon cher Jacques. Tout y est dit.

 

Je me tenais debout sur une grande terrasse d’où l’on découvrait le quartier d’Uccle. Jacques était à mes côtés, nous attendions tous les deux la chute d’un météore, annoncée la veille à la radio. Nous espérions qu’il ne tomberait pas sur la terre mais tout au plus la frôlerait. À minuit pile, le météore traversa l’atmosphère devant nos yeux émerveillés. Nous laissant indemnes. Lire la suite