L’esplanade vide où trône la statue équestre de Godefroi de Bouillon, rond-point de pierres grises, cerné par les rails du tramway. C’est là qu’immuablement inquiet de ne pas rater l’arrêt, ayant remercié d’un œil épeuré le conducteur, je descendais. L’incursion sur cette aire vaste érigée sur un remblai me conviait par réflexe à jeter un regard circulaire sur la place rectangulaire et symétrique, mélange de majesté et de calme placide, aux façades régulières symétriquement alignées, parfois évidées de leurs ajours, évents, baies ou châssis, de tout ce qui les tient ensemble et permet leur présence : l’intérieur éboulé, débâti, expatrié, parti, laissant passer l’espace et l’air en arrière-plan de ces pans murés et muets, mués en décor de carton-pâte, accusant l’effet de trompe-l’œil, d’illusion, de leurre attaché à cet endroit qui n’est pleinement lui-même que vide, intensifiant l’effroi suscité par son nom de Coudenberg (montagne froide). Le musée d’art moderne n’y avait encore qu’une discrète entrée et, en snobant l’arche qui embarque vers la porte de Namur, que les chauffeurs ivres emboutissent parfois de plein fouet la nuit, on pouvait avaler les marches solennelles qui montent à l’église Saint-Jacques où, avec la chorale de mon collège, je vagis des fausses notes, noyées par chance dans le concert des choristes, au baptême de celui auquel on accorde quelque quarante ans plus tard le titre de futur roi. Lire la suite →