Il y avait bien l’éternel ficus, sur son petit tabouret métallique les bras dressés et feuillus, toujours prêt à marquer son approbation (jamais l’inverse), en penchant lentement ses hautes branches fines dès que la fenêtre coulissante laissait filtrer le vent calme de l’extérieur (dix mois par an, la fenêtre restait fermée, irrévocablement, irrémédiablement… Mais aujourd’hui, on était en juillet, alors mon Dieu, le Directeur de Smith Sun and Batherming, Sir John Browdown avait téléphoné à Sony, le garde du rez-de-chaussée pour qu’il fasse entrer le monde inquiétant de l’extérieur (avec toutes les réserves d’usage, pas trop, pas trop fort, pas trop de bruit, avec finesse et légèreté). Il y avait aussi le bureau, enfin ce long convoi de chêne aux pattes en verre, qui n’en finissait pas de s’étendre, de s’étirer, même que les derniers dossiers (je veux dire les plus récents). Sir John Browdown ne pouvait les atteindre. Il devait donc appuyer sur le petit bouton rouge qui s’érigeait curieusement à la droite du téléphone, petite coccinelle sanguine au dos lisse et luisant, et Sony montait directement, faisait glisser les feuilles sur le meuble, sans le moindre bruit, et tendait alors au Directeur de Smith Sun and Batherming les documents importants. Il y avait enfin le capiteux fauteuil en cuir blanc, à deux places, que Sir John Browdown recommandait à ses plus précieux visiteurs, juste devant une table en verre aux pieds recourbés, sorte de tortue transparente où dormait un sempiternel petit Bouddha de nacre que le maître des lieux avait ramené de Thaïlande. Le bruit courait d’ailleurs qu’il n’était pas rentré seul de ces lieux exotiques, et qu’une méchante maladie lui avait fait escorte. Lire la suite