Ce qui l’avait poussée à participer à ce concours de poésie ? Elle n’en avait aucune idée ; elle était persuadée de perdre son temps.

Sa surprise lorsqu’elle avait été convoquée à Bruxelles, un coup de fil du Ministère la priant d’être présente le jour de la Proclamation des Prix ! Dans son esprit, il était écrit qu’à Bruxelles, on n’avait d’estime que pour ce qui était bruxellois. Rien de ce qui « sortait de Wallonie » n’y était digne d’attention. Qu’elle eût été distinguée là-bas lui semblait presque incongru.

Monter à la capitale, c’était partir à l’étranger. Bruxelles se situait « de l’autre côté » de quelque chose – pas seulement d’une bande de territoire flamand. Lire la suite


Au vrai, je suis plutôt valeureux Liégeois. Être wallon, oui dà, comme on est persan. Né à La Préalle-Herstal où je n’ai que des souvenirs olfactifs de ma petite enfance, odeurs de charbon et de trains, je fus longtemps de ce quartier du Nord qui rayonne depuis Coronmeuse jusqu’à l’ancien vignoble et est relié au centre par le cordon ombilical de la rue Saint-Léonard, la strada Leonarda… si aimablement italianisée. Dans les années trente, les hauteurs dominant Coronmeuse étaient encore vertes, partagées par des jardins pentus entre les terrils, quelques fermes et le parc de Bernalmont. En face de chez nous, un grand verger abandonné portait le joli nom de bois Musique. Ce fut mon terrain d’aventures, d’érables en vieux poiriers, de tranchées d’août 14 en talus couverts de sureaux. J’ai découvert, il y a peu, que le verger avait été la propriété d’un fermier nommé Muziek, dommage, je n’aurais pas dû consulter les archives ! Ma parentèle ardennaise se partageait entre le quartier du Nord, La Préalle et Vottem. Dans ma famille, on parlait le wallon comme on respire, celui de la vallée de l’Ourthe, notre berceau tant du côté de mon père que de ma mère. Lire la suite



 

Un événement, on y entre de plusieurs côtés et pas toujours en même temps. Si plus tard on l’évoque, il se dérobe et fait mélange. Vrai, faux, souvenir et invention se coalisent à notre insu, au fond de nous-même pour, de temps à autre, remonter à la vie.

La session parlementaire touchait à sa fin. Une ambiance diffuse de vacances parcourait l’hémicycle tandis que les débats s’acheminaient vers les votes. Chacun y allait d’une dernière intervention. Pour ma part, je venais de rappeler à la tribune les motivations des lois de régionalisation. De retour à mon banc, je me répétais, comme souvent après un discours, des bribes de phrases : la loi unique… la grande grève… l’hiver 60-61… la trahison du cardinal Van Roey… la FGTB wallonne… Lire la suite


Dans la petite république de Kouibylovsk, proche du Kirghizistan et du Tadjikistan, existe, depuis longtemps, une université réputée pour la formation de ses interprètes. L’anglais, le français, le russe, le chinois, le japonais y sont enseignés avec beaucoup d’à-propos et de succès. Les meilleurs diplômés trouvent aussitôt un emploi dans les rouages du régime en place, qui tient à avoir une vision claire et rapide des événements du monde lui permettant de développer au mieux ses relations économiques et politiques avec la terre entière. Lire la suite


Pour Emmanuèle Sandron

Elle devinera pourquoi

Et crins et cris

Bayard à la renverse dans la nue électrique

et les cinq fils du duc Aymon que dispersent

l’ouragan gris le feu du Rhin

à coups de triques à coups de trucs

(la littérature purule dans la chanson)

et de traques infinies – crins cris –

infinies et la Meuse et la Muse

ne peuvent rien contre la rage

contre les crins contre les cris

contre l’orage de la vie Lire la suite


No som fier de no Wallonie,

Eul monde étieu admir’ sé éefan,

Au promieu ran bri’ eus’ n’ industrie

È dée lés’ arts on l’ême étou.

Bieu que p’ti, no péï dépass’

Pa sé savan, dé pu grand’ nâssion,

È no volon branmée dé libérteu

Via pouquou no som fier d’étt’ walon ! Lire la suite



Souvent, quand j’étais enfant, mon grand-père m’emmenait promener en train. Cheminot retraité de la SNCB, il bénéficiait de « coupons » gratuits qui lui permettaient de voyager à travers le pays.

Sa préférence allait à la Wallonie : il en avait fait toutes les lignes avec sa loco. Lire la suite