à Pierre Bergé
À l’origine de ces lignes il y a mon émotion (à Londres il y a douze ans) devant ses plus beaux tableaux.
Jean Genet
Prologue
Je n’ai jamais connu le fameux fog londonien qu’à travers l’atmosphère brumeuse des toiles de Whistler et l’imaginaire tortueux de Stevenson. À chacun de mes séjours dans la capitale britannique, aucun nuage ne vient jamais menacer la clarté du ciel et Trafalgar square ressemble, quelle que soit la saison, à un tableau estival. Peut-être était-ce en raison de ce lien qui m’unissait à la ville, incompréhensible à mes yeux – j’avais toujours cru détester Londres –, alors que je ne pouvais pas mettre les pieds à Amsterdam sans que la pluie ne pointe le bout de son nez pour inonder les canaux, que j’avais voulu retrouver Rembrandt de l’autre côté de la Manche, et non sur ses terres, passé le delta de l’Escaut. Pourtant, quand j’apercevais au loin, à travers la fine bruine qui opacifiait l’air, le haut clocher de la Westerkerk, je me souvenais, à chaque fois, comme si l’information se perdait aussitôt sue, que c’était là que Rembrandt reposait – ou plus exactement, puisqu’il n’y avait pas de sépulture, que c’était là que son visage s’était complètement effacé, recouvert par la couche brune qui, depuis toujours, l’attendait. Lire la suite →