Tout a commencé, une fois de plus, à New York. Il y aura bientôt huit ans, des tours vouées au commerce mondial s’effondraient sous les yeux médusés de la planète entière, puisque l’Histoire, aujourd’hui, est devenue un « reality show » permanent.

Sept ans plus tard, les gratte-ciel demeuraient debout, mais se vidaient de l’intérieur. Du moins ceux qui s’occupaient d’un commercer très particulier, celui de l’argent. Un phénomène inédit, une fois de plus, propre à ce vingt-et-unième siècle qui nous confronte avec des événements qui nous déconcertent parce qu’ils paraissent imprévisibles, dès lors inévitables, et par voie de conséquence fatidiques. Lire la suite


Rome des fins d’été. Rumeur, touffeur, fraîcheur des fontaines. On se prend à rêver, un livre à la main – Quo vadis, Tempo di Roma, Jours de septembre. Des images embaument la mémoire -Vacances romaines, Roma. Musique de fête La Strada.

Oui, bercée en soi depuis l’aube, Rome attend son heure sans impatience. On va dans sa vie en sachant obscurément qu’un jour. Lire la suite


La Terre se mourait, et avec elle la plupart des espèces qui la peuplaient. À l’exception des insectes, bien sûr, de quelques poissons au fond des abysses, des grands crocodiles qui proliféraient dans les eaux des lacs africains tant la charogne en ce temps-là y était abondante, et d’autres choses plus ou moins vivantes, toutes dotées d’une formidable faculté d’adaptation. Lire la suite


Février 2019

Une crise sans précédent secoue le marché des bébés et de ses produits dérivés. Le stock d’enfants à vendre a en effet soudainement doublé vu l’arrivée sur le marché de 100.000 bébés chinois âgés de moins d’un mois, mis en vente sur internet depuis une semaine, à des prix extrêmement compétitifs. Ce n’était pourtant pas une surprise : la Chine avait annoncé il y a quelques mois avoir produit 20.000 utérus artificiels à gestation ultra rapide pouvant engendrer chacun cinq bébés par mois. Pourtant, ni la bourse américaine, ni les bourses européennes n’avaient anticipé ce nouvel arrivage. L’offre dépassant pour la première fois très largement la demande, le cours du bébé s’est donc effondré sur le marché des échanges. Lire la suite


Trois voix : la femme, l’homme, la jeune fille.

Une femme :

N’entrez pas dans ce lieu si vous n’avez

ni moyens ni permis d’en sortir,

fuyez aéroports et gares sous surveillance,

partez par les chemins et restez dans l’ombre des grands arbres,

faites silence sur ce qui vous serre la gorge

et ne parlez que lorsque vous pourrez vous garantir protections et distance.  Lire la suite


Jeudi, 1er janvier – Nous étions seuls hier, Christine et moi, et pour achever 2008 nous nous sommes offert l’un des plus longs réveillons de notre histoire. Nous avons pris le thé à l’heure habituelle et nous nous sommes ensuite installés devant le grand écran pour revoir un film de circonstance, Nos meilleures années. Il dure plus de six heures et, avec un entracte pour un dîner de crêpes, il nous a conduits à minuit. Ce film de Marco Tullio Giordana, à l’origine un téléfilm à épisodes, est certes inégal, mais il y a des épisodes si justes, si émouvants, des réminiscences si fortes d’événements qui ont marqué notre temps, que par moments j’ai pensé à L’art de la joie de Goliarda Sapienza. À minuit il y eut un petit feu d’artifice au village. Dans la nuit noire, des chèques en blanc, les vœux… Lire la suite


Trop jeune pour avoir connu l’effondrement soviétique, la bécasse aurait été la première à crier sa joie, à se hisser sur le mur, à tenter de le démanteler… Bien des écrivains, qui ont eu cette opportunité, ont été trop paresseux pour se ruer sur cet événement qu’ils auraient vécu sur le vif. Ils se sont contentés d’ergoter, de palabrer, devant un verre de bière. La grande politique dans les bistrots. Bruissement des neurones comme vol d’abeilles autour d’une ruche. Pendant ce temps, avec pioches, marteaux, tournevis, les Berlinois cassaient le mur, tous ensemble, tous dans le matin frais, tous en sueur et presque en extase devant cette chose magnifique : participer à la grande Histoire, ouvrir le goulag à l’air pur de la liberté.

Par contre, la bécasse avait vécu dans sa chair le 11 septembre 2001, « septembre gong », comme l’avait baptisé son rédacteur en chef. Pilotés par des kamikazes talibans, deux avions percutent les tours jumelles du World Trade Center qui s’effondrent et changent les rapports de force dans le monde. Lire la suite


« jette ton cœur au jeu commun »
Aragon

Quelqu’un m’expliquera-t-il ces nuées de chauves-souris s’engouffrant par un miroir derrière le comptoir et cherchant le repos dans les ombres du bar ? Peut-être suis-je l’une d’elles, auquel cas je ressemblerais à l’emblème célèbre du rhum Evangelista… Pourquoi pas ? Tout était devenu possible des falsifications du réel par l’industrie des fantasmes, en un monde où l’hypnose collective offrait pour héros, aux masses hallucinées, des milliardaires déguisés en chauves-souris…

L’aède se mit à rire devant le jeu d’alternances binaires dont était tissée cette histoire, comme d’un fil blanc et noir évoquant le jour et la nuit, la vie et la mort, l’un des pôles ayant son champion dans l’archange, l’autre dans le dragon. N’était-ce pas de ce dernier symbole qu’on avait tiré le nom du plus célèbre des vampires au cinéma, représenté par un même chiroptère que celui dont s’enorgueillissaient les rhums Evangelista ? Lire la suite