Mardi 1er décembre – Hier, le journal La Voix du Nord, issu de la Résistance, présentait une photo sombre de Marine Le Pen en son Une avec un titre en pleine page : Pourquoi une victoire du FN nous inquiète. Rebelote aujourd’hui avec un dossier annoncé en première page : Marine Le Pen et le FN ne sont pas ce qu’ils disent. Ces gestes courageux seront-ils efficaces, utiles ? Réponse dimanche soir lors des résultats du premier tour des élections régionales en Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Lire la suite


 

Extrait d’Acéphalopolis, juin 2014

1

Un grand silence noir déploie son voile sur Jérusalem en Atlantide. L’acteur en scène devine sous lui l’abîme sans visage des origines, puis il regarde le plafond de la voûte céleste avec ses nuages et ses anges. La force tellurique ne se représente pas, quand la puissance cosmique génère une pléthore de créations imaginales. Si figurent des monstres au sein du peuple des statues, ces chimères ailées métamorphosent les énergies naturelles en œuvres de culture. Mais le chaos n’a guère de langage pour se dire. Le propre de l’homme n’est-il pas de contempler les nuages ? Lire la suite


 

Donc, avant tout, fut Abîme ;
Puis Terre aux larges flancs,
assise sûre à jamais offerte à tous les vivants,
[…] et Amour, le plus beau parmi les dieux immortels.(1)

Najat.

Cet hiver-là, je vis le doute et la crainte s’emparer des visages, s’installer dans les rues, occuper les conversations ! Cet hiver 2015 qui allait commencer dans quelques jours. Comme d’habitude, juste avant Noël. Quant à moi, jamais je ne pus traverser sereinement le long et humide tunnel de décembre, si faiblement éclairé, et l’appréhension commençait au changement de solstice, le 21 juin, très exactement. Jamais je ne pus supporter l’élargissement des nuits, l’obscurité étalée sur nous, les lumières crues des lampions partout répandues. Les boules trop colorées. La brusque joie des fêtes, l’ambiance souvent artificielle de famille et de chaleur. Je me sentais toujours hors de ce temps impie. Détourné et récupéré. Comme perverti. Lire la suite


 

Extrait d’une fiction inédite

La fenêtre donne sur la guerre qui a décimé mon enfance, la fenêtre donne sur les cris de ma mère. Mes mains empoignent la crémone mais, vidées de leurs forces, elles retombent feuilles mortes. Je dois sauter dans le vide pour rejoindre le jadis. Peut-être suis-je au rez-de-chaussée car des massifs de roses et des sapins maigres me font face. J’ai l’âge de la pluie qui se met à tomber, j’ai cent fois l’âge du pigeon qui débusque des vers de terre entre les dalles de la cour, entre les dalles de ma mémoire. Un pas me coûte une vie. De la table au lit s’étend le désert du Sahara. Le plus têtu, c’est mon pied gauche qui fait mine de se diriger vers la droite puis suspend son vol. Certains de mes membres sont caractériels, surtout à l’approche du soir. Voulez-vous vous distraire, Sarah, prendre un bain d’images télévisuelles ? Comment expliquer à l’aide soignante que je ne veux plus du dehors ? Que plus rien ne filtre du monde, voilà mon souhait, que rien ne contrarie mon grand retrait. Je travaille à faire le vide en moi, à me dépeupler de tout. L’actualité politique, les faits divers, la météo, les livres, les connaissances, le genre humain, tout passe par-dessus le parapet. Lire la suite


 

Comme tout semble petit de là où nous sommes.

Je ne dirais pas lointain car nous nous sentons encore très proches.

Mais le spectacle de chaque être, le parcours de chaque vie, jusqu’au ballet de la terre lui-même, tout nous semble miniature maintenant que nous avons pris la distance éternelle. Lire la suite


 

S’agit-il de valeurs ? De bonté ? Ou simplement de la nécessité d’accueillir ceux qui perdent leur patrie ? Le devoir peut être simple et quotidien, mais souvent très difficile. Son contraire absolu est la haine, je l’ai écrit et mon texte vient d’être traduit en roumain : Ura est o boala, la haine est une maladie.

En ce moment, il s’agit pour l’Europe de faire face aux nouveaux venus qui bouleverseront complètement notre équilibre déjà bancal. Mais… : Nouveau Venu, tu es mon frère et tu es ma sœur, mon père, ma mère et mon petit qui deviendra grand. Que faire d’autre que de t’accueillir ? N’avons-nous pas déjà suffisamment d’ennemis sur terre ? Ce sera difficile pour nous et les sauveteurs sont rarement aimés. Lire la suite


Elle m’a initié à la caresse de la pierre, celle des églises et des monuments à la gloire du passé, celle des fortifications, celle des quais et des ruelles en escalier. Tendre, doré, le calcaire a laissé sur nos mains une fine pellicule diaphane – farine du temps qui s’érode. Elle m’a initié à la caresse de son corps, à l’oubli dans ses anfractuosités les plus secrètes. Douce, mate, sa peau m’a enivré, elle m’a dépeuplé des choses terrestres. Elle m’a fait boire du vin de Gozo et de Marsaxlokk dans les bars enténébrés du port. Elle m’a pris par la main dans les rues de Vittoriosa, elle s’est blottie contre moi sur la digue-promenade reliant Sliema à Saint Julian’s. Elle a tatoué son prénom au plus profond de mon âme : Anthea, femme du centre exact de la Méditerranée. Lire la suite


 

Dans cette pièce froide et à l’ameublement sommaire, perchée au quatrième étage d’une ancienne caserne réquisitionnée pour y loger les migrants, dans mon quartier général proche du centre de Bruxelles, je songe forcément à la guerre, la guerre en ses différents états. Celle qu’on dit civile, pleine de larmes et de sang, et de bombardements, dont je me suis tiré comme on choisit de fuguer, et puis une autre guerre qui ne m’effraie pas : ce long combat à mener contre moi-même, qu’il s’agit de liquider pour renaître en un autre.

Ainsi, dans ce qui pourrait passer pour une chambre d’étudiant et dont il est question de faire mon chez-moi à trente-six ans passés, afin de repartir du bon pied après m’être forgé une personnalité de rechange, j’en suis à contempler mon reflet dans le miroir, en surplomb de l’évier où faire mes ablutions. Lire la suite


 

C’est mon migrant. Il a la tête sur l’oreiller à côté du mien et me dévisage intensément de ses grands yeux ombrageux, farouches, un peu hostiles, et tellement excitants. Ses boucles en désordre, luisantes comme une fourrure, se répandent sur la percale empesée de la taie d’oreiller. Son corps brun et nu est sous le drap, pudiquement, à deux doigts du mien.

— Il faut, Madame, que je m’intègre, m’a-t-il suppliée tout à l’heure, d’une voix rauque et épuisée, en se laissant tomber sur mon lit. Veuillez, je vous prie, me secourir. Lire la suite


 

Tout était écrit comme dans « le livre ». Ma mère m’avait prévenu : « ils vont abuser de toi, de ta jeunesse, de ta force, méfie-toi d’eux ». Mais je haussais les épaules.

Et ce soir, sur 50 mètres carrés d’Europe, je vais me faire enculer par Mike. Je pourrais refuser, dire : non, ah non ! pas ça. Mais… c’est compliqué, mon sexe va et vient entre les fesses de sa femme et elle me dit : oui, oh oui ! Vas-y ! Et ça me fait sourire…

Vas-y ! Je me répétais ça tous les jours, ne reste pas ici, quitte ce foutu pays où tout le monde trahit tout le monde, où on ne sait jamais qui tire sur qui, ni pourquoi ? Ni quand ? Où est la révolte ? Où est la révolution ? Qui sont les justes et les salauds ? Où est l’espoir ? Quel est l’avenir de cette nation en confettis de clans, de religions, d’obédiences ? Qui sont les amis ? les ennemis ? Les protecteurs successifs qui ne protègent que leurs intérêts ? Qui crie « Allah akbar » à chaque explosion amie ou ennemie ? Lire la suite