C’est au xve siècle, au cours d’une mission secrète commanditée par la couronne portugaise, que le Brésil fut découvert par Duarte Pacheco Pereira — l’Achille lusitanien (dixit Camoes).

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Aéroport Val-de-Cans de Belém, quatre heures du matin.

La piste d’atterrissage se dessine au sol : trois bandes discontinues rouge et jaune, précédées d’une ligne verte. L’obscurité n’est que relative en bas. Brimée par une armée de néons en tous genres, elle ne peut que capituler, renoncer à ses mystères et faire figure de clown, tout juste bonne à servir dans les films d’épouvante. Le pilote se cale bien dans son fauteuil, il continue son approche, ses manœuvres, donne ses instructions, informe son collègue, blague avec l’hôtesse. Lire la suite


Nous venons de bien loin, de cette

lignée promise au féminin pluriel.

Primitives, nous avons puisé l’eau

d’une terre noire, modelée par toutes

les marées. La pierre nous fut donnée

en milliers de galets, et le feu ne

connaissait que nous. Seul le vent

était objet de partage. Lire la suite


La bécasse serait-elle une amazone ? Le rédacteur en chef du Sacré Peuple s’interroge. Elle est guerrière contre tout ce qui ressemble à de la bêtise. Mais contre les hommes ? Rien n’est moins sûr. Tout à son journal, le rédacteur en chef est relativement loin de ceux qui œuvrent pour lui, il ne les suit pas sur le terrain, il les connaît par le suc des articles. Mais la bécasse l’inquiète. Le « Neen » prévisible de Bart De Wever à la note du socialiste francophone Elio Di Rupo, cette Belgique qui agonise perturbent le métabolisme de la bécasse, son teint est moins clair. Il décide de l’envoyer prendre l’air. Elle participera donc à une mission écologique dans les forêts amazoniennes du Brésil. L’écologique la nettoiera du politique, qui pourrit ses cellules du venin de ses mensonges. Lire la suite


Une histoire incroyable. Si je ne l’avais vécue, je croirais l’avoir rêvée. Mais d’abord, le décor. Depuis bien des années, je vais, au moins une fois par semaine, flâner entre les rayons de « ma » librairie, pinçant mon portefeuille pour tenter de limiter les dégâts.

Enfant, j’y venais avec ma grand-tante, le dimanche après le marché de la Gatte : « Achille, mon petit, allons te choisir de la lecture pour cet après-midi. » Le rayon des enfants était au fond du magasin, sous l’escalier, une vraie caverne d’Ali Baba, le royaume de Victorine, une métisse brésilienne qui me fascinait. Elle nous montrait ce qu’elle estimait le mieux convenir à mon âge et à mes goûts. J’ai d’abord eu des histoires en tissu, en carton, puis de vrais livres en papier, dont on me faisait la lecture. Ma grand-tante Euphrasie, une institutrice retraitée, m’a appris à lire en me montrant d’abord comment écrire. Je répétais l’alphabet en classant mes livres. Lire la suite


Jamais je n’oublierai cet instant où, dans la foule des visiteurs du salon de l’automobile qui venait d’ouvrir ses portes à Bruxelles en 1958, j’ai lâché la main de papa. J’allais avoir quatre ans. Papa ne s’était jamais intéressé ni à la mécanique, ni à la mode, ni à ce qui réunissait ces deux « bêtises » comme il disait, les nouveautés dans le monde de la voiture. Son garagiste, devant l’état de délabrement de sa vieille Peugeot, l’avait tout de même décidé à se rendre dans les palais d’exposition où les dernières innovations et les derniers modèles de l’industrie automobile étaient réunis. Comme c’était l’année de l’Expo, les constructeurs avaient mis les petits plats dans les grands et le Salon était aussi exceptionnel que l’Expo était universelle. Lire la suite


Je suis arrivée bien à l’avance. Dans le hall de l’hôtel, j’ai repéré un gros fauteuil dans lequel j’ai pris place immédiatement de peur qu’on ne me chipe cette tour d’observation qui m’était due. De cet idéal carrefour, j’ai observé toutes les personnes qui entraient. La salle serait certainement comble. Il ne fallait pas que je quitte trop tard mon fauteuil, sinon je risquais d’être reléguée trop loin pour bien entendre. Mais pour l’instant, les portes étaient fermées et tout le monde s’amassait dans un coin du hall, permettant ainsi aux clients habituels d’avoir accès à la réception ou à leurs chambres. Lire la suite


Cela faisait sept heures que nous filmions le plafond du Théâtre Amazonas, c’est-à-dire l’opéra de Manaus. Ce qui fascinait Sochbieski, le réalisateur polonais, était la volonté du décorateur français de représenter la tour Eiffel vue d’en dessous.

Les riches planteurs de caoutchouc étaient ravis : ils avaient leur opéra en marbre de Carrare, leurs lustres en verre de Murano et au-dessus de leur tête, le symbole de la modernité : le symbole boulonné de la tour la plus haute du monde. Lire la suite


De la pointe du pied, Pauline repoussa le paillasson et le remit à sa place, parfaitement centré sur sa porte d’entrée. « Anarchistes », grogna-t-elle en direction de l’appartement voisin.

Un tour de clé avait suffi à déverrouiller la porte. Un seul tour alors qu’elle fermait toujours à double tour. Qu’est-ce que… Le sac à main écrasé sur sa maigre féminité, la jeune femme pénétra dans son hall et s’immobilisa après le premier pas. Lire la suite


Elles sont belles, très belles, grandes et terriblement brillantes.

Elles sont seules, très seules : on vit en solo et entre femmes en nouvelle Amazonie.

Qui sont ces nouvelles prêtresses de la parité, ces mutantes ravissantes ?

Vous avez dit ravissantes, du verbe ravir : conquérir, vamper, vampiriser ? Lire la suite


La création et la ville ont en commun qu’elles possèdent des zones. Les zones sont des espaces, denses ou non, sombres ou non, des espaces plutôt « non » que « oui », qui, lorsqu’ils sont peuplés, le sont par des zonards. Qui peut se targuer de n’avoir jamais zoné ?

La zone et le fantasme sont étroitement liés, particulièrement quand le fantasme engendre plus de frustration que de réalisation. Et si l’on admet que, lorsqu’il écrit, l’écrivain couche sur papier, l’écrivain de la zone, lui, est un âne alité. Lire la suite