Depuis des mois on patiente, on guette, on suppute. Comme tout le monde, la bécasse attend. Pour un peu, pense-t-elle (elle a presque honte de cette pensée), on espérerait que ça vienne à la fin, c’est trop dur d’imaginer les bombes, les microbes, les scuds, les lambeaux de peau qui flottent aux branches des arbres calcinés ; les hurlements des blessés sous les sifflements des sirènes et le tonnerre des mitrailles, on n’en peut plus, c’est comme si la guerre était déjà là, comme si on la vivait, comme si elle avait déjà eu lieu. Et quand elle aura lieu, elle n’aura plus la moindre importance, une sorte de réplique de la guerre du Golfe, un non-événement. Par contre, l’imaginaire en ébullition, les nerfs à vif devant cet interminable sursis, cette guerre suspendue, ces va-et-vient de diplomates, d’inspecteurs, de journalistes, de photographes, de commentateurs qui se mêlent à la foule de Bagdad, qui écoutent les conversations, tentent de percer le secret de ce peuple fier, imprenable, que galvanise le dictateur, tout ce virtuel, oui, l’événement ne sera pas la guerre à l’Irak, il est dans cette attente interminable, ici, maintenant. Lire la suite →