On dirait « coquetterie », comme un lapsus pour « comédie », mais qui serait devenu principe de base.

Pour être un bon acteur, il faut pouvoir se sentir à l’aise dans les formes de la préciosité et, parfois, avoir le nombril plus près du centre.

*

L’homme politique n’a plus à être éduqué, il est déjà surfait.

Et le spectateur sait d’emblée, même s’il semble l’oublier, comment le spectacle va finir. Lire la suite


Nous avons longtemps hésité avant de trouver le nom de l’agence de pub que j’ai fondée, en quittant RSCG avec l’un des plus gros budgets de l’Oréal (c’était de bonne guerre, ils avaient tous combattu mon idée que l’Oréal avait adorée à la fin !)

Nous voulions un nom anglais et provocateur. No bullshit ! It’s not a game, Fast and Serious (avec un S qui faisait aussi F) et pour rester dans le cinéma US : (in)decent proposal, qui a été retenu pour son côté sexy et sérieux, ce qui fait bander tous les clients (on avait terminé la discussion par ces mots). Lire la suite


Six personnages : quatre sirènes, un mari, une épouse.

L’épouse, à son mari

Non, je ne suis pas jalouse de ces sirènes qui t’envoûtent. Si ça leur chante, qu’elles fassent un chœur, je t’attacherai au mât de…

1re sirène, éclatant de rire

En l’occurrence, c’est son mât qu’il faudrait attacher ! Lire la suite


Salam aleikoum, cousin Rhédi. Cela fait longtemps que je ne t’ai écrit. Je n’en ai guère trouvé le temps ni le loisir. Sache que je suis arrivé sain et sauf à Paris grâce à l’argent de l’oncle, Allah le protège dans sa grande miséricorde. Trois ans après mon arrivée, enfin je prends la plume pour t’écrire sur du papier ligné et non pas sur mon laptop de récupération. C’est que d’abord je n’ai pas trouvé ici de clavier en lettres persanes et surtout c’eût été bien trop dangereux de t’écrire de la sorte, car un PC n’oublie rien, mon cher cousin. C’est comme le Tout Miséricordieux, il retient tout et il t’attend au tournant du jugement. Hamid, mon jeune frère, Allah le protège, s’est fait alpaguer justement à cause de son portable et renvoyer au pays, vite fait, sans aucune forme de procès. Il a eu beau faire valoir ses droits de réfugié politique réclamant l’asile républicain, en sa qualité d’opposant au régime des Mollahs, rien n’y fit, retour immédiat à Téhéran suivi d’une condamnation à croupir dans leurs sinistres geôles. Lire la suite


D’un coup de pied, il bascule le brasero. Les braises s’éparpillent sur le tarmac trempé. Il pleut depuis trois jours et la poussière des lieux a vernissé le paysage d’un gris profond. L’usine est adossée à la forêt face à des terrils éteints dans la brume.

« C’est grève. Ces temps-ci on fait grève aussi souvent qu’on travaille. Un jour pour, un jour contre. On sait rien faire d’autre. Alors on le fait bien. Aujourd’hui, ça fait deux semaines qu’on bloque les grilles d’entrée. Personne ne sort, personne ne rentre. Tout un boulot. Un sale boulot. On sait qu’on va dérouiller un jour, que ça va finir en compote, mais qu’est-ce qu’on peut faire ? » Lire la suite


Elle ne savait pas quelle décision prendre.

Marcher serait la meilleure des choses, ça l’avait toujours aidée à réfléchir, mais se promener était de plus en plus compliqué dans la Cité.

Le podomètre de son Ex-I-28 indiquait qu’elle était loin du quota permis, elle aurait pu rejoindre la barrière verte sans amputer son crédit mensuel, mais c’était devenu quasi impossible depuis le début de ce quadrimestre : des affichettes auto-fluo signalaient un danger potentiel et interdisaient l’accès à l’aire Forestière : des vents de force XO avaient en effet tracé un nouveau couloir et les derniers grands arbres n’y avaient pas résisté. Lire la suite


Je m’appelle Jean-Marc Carassou et, depuis dix-sept ans, je suis le maire de B., une commune du Calvados, à une vingtaine de kilomètres de Deauville. Il y a chez nous, d’après le dernier recensement, quatre mille trois cent quarante-sept âmes. Je dis « âmes » en pensant au célèbre roman de Jim Thompson, 1 275 Âmes, le numéro 1000 de la Série noire, que j’ai lu à sa parution en 1966, l’année même où je me suis engagé au Parti du Renouveau normand dont l’acronyme PRN est connu de tout le monde en Normandie.

À l’époque, je voulais devenir romancier. Je rêvais d’écrire des romans policiers musclés, des polars comme on ne le disait pas encore, un peu à la manière entraînante de James Hadley Chase que j’admirais beaucoup, dont j’avais lu et relu tous les livres, et que je considérais alors comme le plus doué des auteurs du genre. J’ai le souvenir d’avoir commencé une vague histoire de trafic d’organes qui se déroulait sur la Côte fleurie et de l’avoir abandonnée après le troisième chapitre, faute d’avoir pu trouver une bonne idée pour entamer le quatrième. Lire la suite


Alors qu’ils ont tant de qualités, pourquoi s’arrangent-ils pour être souvent détestés dans le monde ? Et souvent détestables ? Pas tous, évidemment, mais pas mal d’entre eux, oui, surtout ceux qui ont du pouvoir, petit pouvoir ou grand pouvoir, mais quand ils en ont, du pouvoir, on peut parier qu’on aura droit à une comédie de première, par exemple, ici, à Tunis, depuis que j’y suis, j’ai rencontré des Représentants de la Grande République qui horripilaient les Tunisiens (il paraît qu’avant, il y a eu de grands formats, mais pas de chance pour moi, je ne les ai pas connus !), oui, depuis que j’y suis, j’ai plutôt rencontré des hommes-reflets, reflets de quoi ? De qui ? Eh bien de celui qui dirige la Grande République, pas forcément méchants, pas du tout stupides, pas vraiment plus arrogants qu’un autre, mais gaffeurs, si vous saviez ! Lire la suite


Madame de la Faryette n’était pas seulement renommée pour l’attrait de sa conversation et son talent d’écriture, mais la Cour et la Ville discouraient à l’envi du charme que dégageait toute sa personne. Elle avait le pied petit et fin, ce qui faisait l’admiration de nombre de gentilshommes de la Cour mais provoquait aussi la jalousie de Madame de Maintenant, l’ancienne favorite du Roi qui avait réussi à se faire épouser morganatiquement par Sa Majesté. Il était notoire que la nouvelle épouse, une Transalpine anciennement nommée Carlotta Brunisconi et devenue ensuite marquise de Pompabruni par la grâce et le bon vouloir de Sa Majesté, avait, pour sa part, le pied fort long. Quoiqu’elle le dissimulât le plus souvent sous des robes très élégantes tombant presque jusques à terre, les bien informés de la Cour savaient qu’elle chaussait du quarante-deux ou peut-être même quarante-trois, une mesure italienne correspondant grosso modo, comme ils disent là-bas, à une longueur de treize pouces, soit un pouce de plus que la mesure que nous avons coutume d’appeler pied-de-roi. Le pied de la nouvelle « reine » plus long que le pied-de-roi ! Tout Versailles en faisait des gorges chaudes en catimini et cela mettait en fureur la Pompabruni, laquelle cachait un caractère irascible derrière les sourires doucereux qui ne dérangeaient pas les traits de son visage, vu qu’un chirurgien milanais lui avait posé des pommettes artificielles. Lire la suite


Politiquement, la Belgique est plus poreuse au Sud qu’au Nord. Demandez à un Flamand qui est l’actuel Premier ministre hollandais, il se grattera la tête et finira par avouer son ignorance. Ou il citera un certain Wilders, qui se situe dans une opposition coopérante, mais est surtout connu pour sa tignasse jaunâtre et ses convictions d’extrême droite. Et cela s’arrêtera là, à moins qu’il ne cherche vainement le nom d’un chef de gouvernement portant les lunettes rondes de Harry Potter…

Un francophone belge, par contre, fera volontiers étalage de sa connaissance très poussée de la politique française. Il pourra réciter dans l’ordre les noms de tous les présidents de la Ve République, comme jadis les écoliers ânonnaient la dynastie des Louis. Il pourra même vous dire sans trop d’effort contre qui ces chefs de l’État furent élus, voire la réplique de débat télévisé qui leur permit de l’emporter, avec en tête le « Vous n’avez pas le privilège du cœur », la formule giscardienne qui retarda de sept ans l’accès de François Mitterrand à la magistrature suprême. Lire la suite