Note : Ce texte est le premier que Marginales, depuis sa création, publie en langue étrangère. Une traduction réalisée par Stéphanie Follebouckt en a été publiée dans le n°289.

15 September 1968

He almost had to jump onto the platform, the train was so high, then drag his suitcase down with a bump. Thankfully it was not too heavy, containing mainly clothes for four seasons, a couple of important books, and some personal mementos with more superstitious than practical value.

Outside the station, three things struck him. First, he seemed to be nowhere near the centre of the small town, but on some kind of cobbled conveyor belt around it. He later learned that this was a peculiarity of many Belgian towns. Where he came from stations were important places, bang in the town centre. Lire la suite


Un benêt. C’est ainsi que le considérait Ada elle-même.

De temps en temps, Augusto ressortait du tiroir du buffet, seul meuble de la cuisine-salle à manger d’Exmouth Market qui semblait être là en tant que témoin inamovible de notre vie quotidienne, une photo le représentant en officier de l’armée italienne : haut képi rigide et brillant sur la tête, veste droite d’apparat avec petit col relevé sur le cou et surtout épée plantée en avant sur le sol avec la main appuyée, souveraine, sur le pommeau. Et peut-être petite moustache fine sur la lèvre supérieure en signe aristocratique, mais cela, je ne m’en souviens pas bien. Lire la suite



Une fiancée abandonnée.

Aucun papier pour écrire.

Dans la ligne de mire, l’autre qui allume une cigarette.

Visage faible, déjà disparu.

*

Être toujours aux premières loges.

Pas comme à l’opéra, mais en détresse.

Nostalgie d’une chanson enthousiaste, au moment du départ, qui aurait réglé le problème.

Cadence des canons, rythme des gerbes de boue. Lire la suite


Chez nous, on parlait peu des guerres. Mes parents avaient connu mille neuf cent quatorze et quarante. Ils en étaient sortis pavloviens. Bruit de bottes (Corée, Budapest…) : stockage de sucre et de pâtes. « Pour le reste, on se débrouillera. Comme en 14 et comme en 40, décrétait ma mère. Après tout, nous sommes toujours vivants, non ? ».

Vivants ? Pas tous. Il y avait François De Baerdemaeker, un des frères de ma grand-mère maternelle.

C’était en août 1954. Ostende. Les quarante ans du début de la Grande Guerre — en ce temps-là, il était très mal vu de dire la Grande Saloperie ; le Déserteur, réduit au silence, et Jacques Brel n’avait pas encore écrit Jaurès. Lire la suite


Soleil !

Le jour se lève.

La brume se retire.

Pourquoi se cacher sur scène ?

Je m’y lave à la lumière d’une mer infinie.

Sur la rive orientale me parvient l’haleine de l’Atlas.

Les spectres de la nuit se sont enfuis mais la chanson demeure.

Moi qui n’ai plus de voix ni ne sais chanter : combien d’yeux me voient ? Lire la suite


Une vaste étendue de sable et de cailloutis, un désert démangé de soleil où ne se rencontrent que des serpents secs comme du bois, des rongeurs de rien du tout et de vilains crabes terrestres… Oui, le plateau du Mokambo est tout sauf attirant, tout sauf enchanteur. Un théâtre de mort et de désolation parfaitement prédestiné, à présent que j’y pense, à y construire l’usine ultramoderne dont un certain Gregorenko, puisque tel est mon nom, a la redoutable charge : jusqu’à ce que mort s’ensuive, précisément.

*

Depuis combien de temps David Gregorenko est-il basé au Complexe Robinson ? Je n’en sais plus trop rien… Au point de croire, parfois, que j’y serais né. Que j’y aurais été produit, à l’image des Toukoms !

Quand rien n’est plus faux : je suis fait de chair et d’os, moi ! Et l’unique humain, même, à végéter ici. Moi, seul maître à bord de cette usine dont les bâtiments d’acier, peints de rouge cru et de bleu vif, et dont les verrières étincelantes semblent participer d’un fulgurant mirage au cœur du désert ! Une hallucination dont moi seul serais le jouet. Puisque personne d’autre n’a pleinement conscience de ce qui s’y passe ! Lire la suite


Juillet 2013. Je viens de terminer ma maîtrise en histoire des temps modernes. Quelle année éprouvante ! Des cours à suivre depuis septembre 2012, des examens pour sanctionner mes connaissances et de plus, la préparation et l’écriture d’un mémoire de fin d’études ayant pour thème les prémices de la révolution française.

Mais qu’importe ! Me voilà récompensé, diplômé de l’université catholique de Louvain avec la plus grande distinction et les félicitations du jury. Lire la suite


Nous sommes là, plantés sur une terre tragique.

Le champ de bataille fume : décoction de souvenirs et de songes fracassés.

Krzysztof Kamil Baczynski, Testament de feu

Traduction de Claude-Henry du Bord et Christophe Jezewski

et ce sera décembre

ce sera l’hiver

il faudra avoir vu brûler les branches

qui fleurissaient dans les vergers

marcher sous les pommiers

parmi les fruits de givre

et le vent

te tranchera le visage Lire la suite


Le vicomte conta fort agréablement l’anecdote qui circulait sur le duc d’Enghien ; il s’était, disait-on, rendu secrètement à Paris pour voir Mlle Georges, et il y avait rencontré Bonaparte, que l’éminente artiste favorisait également. La conséquence de ce hasard malheureux avait été pour Napoléon un de ces évanouissements prolongés auxquels il était sujet et qui l’avait mis au pouvoir de son ennemi. Le duc n’en avait pas profité ; mais Bonaparte s’était vengé plus tard de cette généreuse conduite en le faisant assassiner. Ce récit, plein d’intérêt, devenait surtout émouvant au moment de la rencontre des deux rivaux, et les dames s’en montrèrent émues.

« C’est charmant, murmura Anna Pavlovna en interrogeant des yeux la petite princesse.

— Charmant ! » reprit la petite princesse en piquant son aiguille dans son ouvrage pour faire voir que l’intérêt et le charme de l’histoire interrompaient son travail.

Léon Tolstoï, Guerre et Paix

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