À la mémoire de Denise, ma petite cousine de par-delà cette importune frontière des langues dont se jouait notre enfance.
J’ai connu une guerre buissonnière où je m’identifiais à Huckleberry Finn dans les vergers bruissant d’abeilles qui ceinturaient Boutersem, Kumtich et Opvelp, à l’ouest de Tirlemont, chez mes oncles et mes tantes. La tartine y fleurait son blé à plein blond et les cerises y chevauchaient les oreilles de mes cousines. Lesquelles étaient trois, lise qui déjà savait comment relever son sourire ainsi que le bas d’une robe, Flora, noire, feu, fière, ma petite cousine d’amour qui ne cédera que devant Douce, Clara, la benjamine, qui, bien que mouillant parfois encore ses draps, déjà campait gaillardement son poing sur sa hanche, comme son père, oncle Théo, lorsque ce dernier maquignonnait une génisse.
Mes trois cousines pouffaient des « Frederickk ! » hypocrites dans la satinette noire de leur tablier lorsque je leur exhibais le vermisseau polisson d’Huckleberry Finn. Si, de mon prénom, elles se mettaient plutôt en bouche les écales que les cerneaux, c’est que nous ne parlions pas la même langue, elles et moi, mes petites-cousines flamandes, tortillant au plus serré, avec des « yo, moor, Frederickk ! », leur jupette entre leurs jambes, lorsque, sous la doublure, j’aventurais mes doigts tachés du jus des myrtilles en leur chuchotant : « Tu fais voir ? ». Lire la suite →