Pourquoi « revue », pourquoi « rêvée » ? La Wallonie exista longtemps par ses revues, qui lui donnèrent, en fin de compte, son nom. Elle fut longtemps l’emblème d’un quotidien, dont le titre battait comme un étendard, et qui ensuite a cessé de paraître, la privant de cette affirmation journalière, de cette désignation récurrente de la « prière du matin de l’homme moderne », pour reprendre l’expression de Mallarmé. La Wallonie, aussi, se définit longtemps comme un rêve. Paul Caso, chroniqueur inlassable d’un art wallon, et dont l’amitié m’éclaira sur la question, aimait à rappeler que lorsque Louis Delattre publie en 1929 Le pays wallon, il place en exergue à son livre une phrase de Taine, qui dit : « Là, vivent des gens pleins d’étranges rêves ». La Wallonie, une usine à rêves plutôt qu’à penser des choses tristes ? C’est l’une des prémisses de ce rassemblement de textes, inattendu peut-être, anachronique aux yeux de certains, et dont l’idée s’est irrésistiblement imposée pourtant.
La Wallonie, on le verra, n’a pas vraiment le moral. À une époque où on demande à tout un chacun d’être performant, confiant dans son avenir, de s’affirmer conquérant, de s’autoproclamer triomphant, elle n’épouse pas l’humeur du temps. Elle est trop blessée, trop lucide aussi pour cela. Elle a su très tôt, peut-être pour y avoir trop cru, que les lendemains ne chantaient pas nécessairement. Elle a anticipé en quelque sorte l’effondrement des idéologies, et développé son esprit critique et sa propension à la dérision plutôt que ses réserves d’enthousiasme. Elle était dans les cordes, subissait les revers économiques qui mirent à mal sa prospérité passée, et puisa dans cette épreuve la confirmation que, décidément, rien n’est acquis à l’homme. Il y a un fond de scepticisme wallon qui est la rançon de la clairvoyance, et du refus d’être dupe. Lire la suite →