« Je voyage moins aujourd’hui, sur de moins longues distances, mais je reste mobile, vous savez, je donne régulièrement des conférences, dans des écoles, auprès de comités d’entreprise, pour des membres de gouvernements, des hommes de pouvoir, des associations. Je ne suis pas encore fatigué. Non. Je me rappelle, lorsqu’on nous forçait à travailler des heures d’affilée, avec pour toute ration une tranche de saucisson (oh, j’avais de la chance, ma connaissance de l’allemand faisait de moi un privilégié, j’avais été placé comme ouvrier spécialisé, et ma tranche de saucisson, je la mâchais tous les jours pendant que des milliers d’autres devaient se contenter d’une tranche d’oignon cru ou d’un bouillon trop clair), je me rappelle que ces journées de travail forcé, à un rythme fou, quatorze, parfois quinze heures sans autre repos que les coups, parce qu’ils nous frappaient, et les plus faibles tombaient, je me rappelle qu’à certains moments, certains jours, je me récitais de la poésie ; c’est cela, je connais par cœur des poèmes et je me les récitais et je sais que ça m’a fait tenir, aujourd’hui encore, il y a des vers je ne peux pas les réciter sans que me viennent des larmes. Lire la suite →