J’ai cru longtemps que c’était la planète Mars, et que j’étais un Terrien. La distorsion de ma vie tenait à cet exil. Monstre des plaines, largué au milieu d’un peuple d’oiseaux. Leur plumage, leur tête ronde, leur piaillement joyeux ne m’étaient pas antipathiques. Mais je ne comprenais rien aux mœurs qui les régissaient. Plus encore que leur sexualité étrange et leur nidification, ce sont leurs cris et leurs jeux qui me donnaient une impression de folie.
Puis je suis devenu assez stoïque pour m’avouer en face qu’il n’y avait qu’une seule planète et que c’était la mienne. Entre-temps j’avais enfin quitté l’Institut Saint-Nicolas, où le culte du football l’emportait sur celui du saint tutélaire : le 6 décembre n’était même pas férié, mais bien le 1er mars, date où un ancien élève de l’institut, nommé Paul Van Himst, avait été sacré meilleur joueur national. Ma vie n’a pas été absolument dépourvue de malheurs depuis que je ne suis plus tenu de jouer au football trois fois par semaine : c’est-à-dire depuis trente ans. Mais il me semble n’avoir plus été confronté depuis lors à l’exercice direct de la Terreur. Lire la suite