Description
« C’est grave, docteur ? », interroge le patient avec une impatience qui trahit son angoisse. Il pose une question de degré. Il sait qu’il souffre, la douleur qu’il éprouve en témoigne, mais il ne connaît pas le sens de son épreuve. Et délègue à un autre le pouvoir de lui dire ce qu’il ressent vraiment, puisqu’il est supposé ignare en la matière, ou s’est laissé convaincre de l’être.
Or, sa souffrance lui est proche, interne, et jusqu’à un certain point incommunicable. Une partie de ce corps qui est sien ne répond plus à ses attentes, dont il n’avait d’ailleurs pas conscience, tant il faisait confiance à cette mécanique qui ne l’avait jamais déçu.
Le patient, donc, demande à un tiers ce qui l’affecte au juste, et surtout d’évaluer le degré de gravité de son mal. En l’occurrence, l’adjectif « grave » a un poids très particulier. Parce qu’il est de l’ordre de la vie et de la mort, puisque le terme formulé par le malade peut n’être qu’un euphémisme pour « fatal ». Il se bercerait donc encore de l’illusion mensongère que la mort ne s’annoncerait pas, frapperait sans semonce, qu’elle serait ce visiteur qui s’impose sans crier gare, sans y mettre les formes, brutale et soudaine.