Description
L’Europe n’a pas de quoi pavoiser. D’ailleurs, elle a supprimé son drapeau de son texte fondamental. Et si elle l’y avait maintenu, il n’est pas sûr qu’elle aurait le cœur à le brandir. Ce n’est pas un détail.
À force de prendre les symboles pour des balivernes, elle est en train de se priver de ses assises. Elle a cru, pendant longtemps, qu’il suffisait d’avoir l’œil sur les colonnes de chiffres, et voilà que, faute de colonnes morales — osons cette notion qui gagnerait à être cotée à la bourse des priorités —, elle vacille, éveille les fantasmes de chute d’empire, dans la mesure où elle en constituât jamais un.
Qui peut se réjouir de voir le triste spectacle que donnent des dirigeants pris de court faute d’avoir eu des perspectives à long terme ? Leurs rencontres ressemblent à ces réunions de copropriétaires où les occupants des duplex avec terrasse fustigent ceux qui habitent les deux-pièces kitchenettes parce qu’ils ne s’acquittent pas à temps de leurs charges. N’empêche qu’il fut un temps où ils les ont accueillis à bras ouverts. L’important, c’était l’agrandissement de l’immeuble. Le virus de la mégalomanie est à la base de bien des maux qui nous étranglent aujourd’hui. Il faut croître à tout prix, parce que, paraît-il, qui n’avance pas recule. L’interprétation par les chiffres est devenue le seul étalon des valeurs. Même en culture, soit dit en passant. Un écrivain s’estime aux tirages qu’il atteint, un film à ses recettes aux premiers jours d’exploitation, la création s’évalue en parts de marché. Il aurait fallu, lorsque cette dérive a commencé à sévir, tenter de l’endiguer aussitôt. Mais que veut dire « aussitôt » dans un monde où les mouvements financiers ont pour unité-temps la nanoseconde ?